Qu’est-ce que ça implique que nous soyons créé à l’image de Dieu ? (R.C. Sproul)

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Le récit de la création raconte les six jours au cours desquels Dieu a formé divers éléments de l’univers. À la fin de cette période, on nous dit :

Puis Dieu dit : Faisons l’homme à notre image, selon notre ressemblance, et qu’il domine sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, sur le bétail, sur toute la terre, et sur tous les reptiles qui rampent sur la terre. Dieu créa l’homme à son image, il le créa à l’image de Dieu, il créa l’homme et la femme. Dieu les bénit, et Dieu leur dit : Soyez féconds, multipliez, remplissez la terre, et l’assujettissez ; et dominez sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, et sur tout animal qui se meut sur la terre (Ge 1.26‑28).

Le monde dans lequel nous vivons aujourd’hui valorise davantage les œufs de tortue de mer que l’embryon humain. Nous donnons plus de dignité aux baleines qu’à l’humanité, ce qui est un renversement de l’ordre de la création. L’homme seul fut créé à l’image de Dieu ; en un sens, Dieu a créé l’homme et la femme comme ses vices-régents, ses dirigeants adjoints pour toute la création. C’est le statut que Dieu a accordé à l’humanité ; c’est ce que les Écritures veulent dire quand elles nous disent que l’homme et la femme ont été créés imago Dei, à l’image de Dieu.

Quelle est cette dimension distinctive de l’être humain qui le rend différent de tous les autres membres du règne animal ? Historiquement, il y a eu de nombreuses tentatives pour localiser les caractéristiques distinctives de l’image de Dieu. Nous lisons dans Genèse 1.26 : « Puis Dieu dit : Faisons l’homme à notre image, selon notre ressemblance. » Deux mots distincts sont utilisés ici : image et ressemblance. L’Église catholique romaine a déclaré que la Bible décrit ici non pas une caractéristique spécifique de l’être humain, mais deux, de sorte qu’il existe une différence entre l’image et la ressemblance. Les théologiens catholiques romains disent que l’image fait référence à certains aspects que nous avons en commun avec Dieu tels que la rationalité et la volonté, alors que la ressemblance correspond à une droiture originelle qui fut ajoutée à la nature humaine lors de la création.

L’interprétation protestante de Genèse 1.26 diffère de manière éloquente. Les interprètes protestants disent que les deux mots distincts sont un hendiadys, qui est simplement une structure grammaticale dans laquelle deux mots se réfèrent tous deux à la même chose. On trouve un autre exemple de cette structure dans Romains 1, où il est dit que la colère de Dieu est révélée contre « toute impiété et toute injustice des hommes » (Ro 1.18). La colère de Dieu est dirigée soit vers deux choses distinctes, l’impiété et l’injustice, soit vers une chose décrite par l’un ou l’autre terme. Le consensus parmi les protestants est que Romains 1.18 et Genèse 1.26 contiennent tous deux un hendiadys. Quel que soit le sens dans lequel nous avons été créés à l’image de Dieu, c’est le même sens dans lequel nous avons été créés à sa ressemblance.

Différents mais semblables

Alors, que signifie être créé à l’image de Dieu ? Les théologiens médiévaux ont introduit l’idée d’analogia entis, qui a été vivement critiquée au xxe siècle par des théologiens néo-orthodoxes, en particulier par Karl Barth. Le Analogia entis est « l’analogie de l’être ». Même si les Écritures montrent clairement qu’il existe un grand fossé entre la nature de Dieu et la nature de toute créature, nous sommes quand même, d’une certaine manière, comme Dieu. Nous ne sommes certainement pas Dieu ; nous sommes des créatures et il a le pouvoir d’être en lui-même. Aujourd’hui cependant, il est devenu populaire, même parmi les théologiens orthodoxes, de qualifier Dieu de « tout autre ». Cette expression est utilisée dans le but d’attirer l’attention sur la majesté et la transcendance de Dieu, pour créer une barrière qui évite de le confondre avec quoi que ce soit du domaine créé. Toutefois, prendre cette expression de manière littérale est fatal au christianisme. Si Dieu était complètement, totalement et entièrement différent de nous, il n’y aurait aucun point de contact entre le Créateur et la créature ; il n’y aurait aucune voie de communication. Pour la pensée chrétienne, il est crucial qu’une similitude entre Dieu et l’homme permette que Dieu puisse nous parler. Même s’il nous parle en termes humains, ce qu’il dit est important parce que nous partageons certaines similitudes.

Au cours de l’histoire, il y eut des tentatives d’identifier ces similitudes. L’opinion la plus populaire a été que l’image se trouve dans notre rationalité, notre volonté et nos affections. On dit que nous sommes rationnels d’une manière semblable à Dieu ; en d’autres termes, Dieu a un esprit et nous avons des esprits. Pendant des siècles, les gens ont supposé que les animaux agissaient uniquement par instinct et non par décision consciente. Cependant, selon les réactions des animaux de diverses manières, il semble bien que les animaux prennent des décisions conscientes. Donc, pour la plupart, l’idée que la rationalité soit limitée à l’homme et que l’instinct définisse les animaux a changé. Les gens disent maintenant que ce qui distingue les êtres humains est notre capacité avancée de raisonnement. Dieu a la connaissance et il a un raisonnement complexe ; nous avons des esprits et un pouvoir de contemplation unique dans le monde animal.

De plus, nous avons la faculté de choisir et nous sommes des créatures volitives. Pour être une créature morale, il faut avoir un esprit et une volonté, tout comme Dieu. Nous ne citons pas des souris à procès et nous ne parlons pas d’un sens de moralité éthiquement développé chez nos chiens, mais nous tenons les êtres humains responsables des choix qu’ils font. Les humains sont des agents moraux, ce sont des créatures volitives. Dieu donna aux êtres humains la directive d’être saints comme il est saint et de refléter sa justice. Nous ne pourrions pas faire cela si nous n’étions pas des créatures rationnelles et morales ou si nous n’avions pas le sens du sentiment ou de l’affection. Historiquement, l’Église a donc considéré que ces caractéristiques que l’on retrouve à la fois en Dieu et chez les êtres humains constituent l’essence de l’image.

Barth a contesté cette idée en se basant sur le fait que notre création en tant que porteurs d’image était à la fois « masculine et féminine ». Dans la Genèse, le mot homme est utilisé génériquement et il inclut à la fois l’homme et la femme, de sorte que tous les êtres humains participent à porter l’image de Dieu. Barth a fait valoir que « homme et femme » n’est pas une analogie d’être, mais une analogie de relation. Tout comme Dieu a des relations interpersonnelles en lui-même dans la Trinité, notre particularité est notre capacité d’avoir des relations interpersonnelles entre nous. Il est certes vrai que nous pouvons avoir des relations interpersonnelles, mais il en va de même pour les animaux. Si c’était le seul point de l’analogie, nous serions incapables d’avoir une relation avec Dieu puisqu’il n’y aurait aucun moyen de communiquer avec lui.

Parmi toutes les créatures du monde, les êtres humains se voient attribuer une responsabilité unique à laquelle correspond une capacité. Une partie de l’unicité de la race humaine réside dans la mission que nous avons reçue de Dieu d’être ses représentants auprès du reste de la création, afin de refléter le caractère même de Dieu. Cela devient clair lorsque nous repensons au livre de la Genèse à partir de l’image du Nouveau Testament du Christ lui-même, le second Adam, en qui nous voyons l’accomplissement parfait de ce que signifie « être créé à l’image de Dieu ». L’auteur d’Hébreux nous dit que le Christ est « le reflet de sa gloire et l’empreinte de sa personne » (Hé 1.3). Dans la parfaite obéissance du Christ, nous voyons l’accomplissement du mandat humain de refléter la sainteté et la justice de Dieu. Je suis convaincu que ce que nous trouvons dans l’image est une capacité unique à refléter le caractère de Dieu de sorte que le reste du monde puisse regarder les humains et dire : « Cela nous donne une idée de ce à quoi Dieu ressemble. »

Malheureusement, lorsque le monde nous regarde il ne voit pas grand-chose de ce à quoi Dieu ressemble ; c’est pour cette raison que « la création tout entière soupire et souffre les douleurs de l’enfantement », dans l’attente de la rédemption de Dieu (Ro 8.22). L’image de Dieu en l’homme a été tellement ternie par la chute que la question persiste : l’image de Dieu en l’homme a-t-elle été effacée par la chute, de sorte que nous ne sommes plus porteurs de cette image ? Le christianisme orthodoxe insiste sur le fait que même si l’image de Dieu a été brouillée, elle n’a pas été détruite. Même les humains pécheurs sont des êtres créés à l’image de Dieu, un fait qui conduit à la nécessité de distinguer entre l’image de Dieu au sens étroit ou formel et l’image de Dieu au sens large ou matériel. Même si nous sommes déchus, nous pouvons penser. Nos esprits ont été infectés par le péché, mais nous avons toujours des esprits et nous pouvons toujours raisonner. Nous raisonnons fallacieusement, mais nous avons cette capacité ; nous avons une volonté et nous avons la capacité de faire des choix[1]. De même, nous avons des affections. Par conséquent, l’image de Dieu reste dans les êtres humains.


[1] Pour un traitement plus complet de la façon dont nous reflétons Dieu dans notre condition déchue, voir le guide d’étude de R. C. Sproul, A Shattered Image: Facing Our Human Condition, Sanford, Flor., Ligonier Ministries, 1992.


Cet article est adapté du livre : Nous sommes tous des théologiens – R. C. Sproul