Quand les chrétiens doivent-ils résister à un gouvernement qui tue ses citoyens ?

Si vous suivez les titres des journaux internationaux, vous savez que des exécutions perpétrées par des personnes se prenant pour des justiciers ont lieu avec une certaine régularité aux Philippines. Les noms des personnes soupçonnées de trafic de drogue sont inscrits sur une liste établie par le gouvernement, qui compterait plus d’un million de suspects. Et cela soulève d’importantes questions quant à la complicité des chrétiens du pays. La question vient d’une auditrice du podcast nommée Hannah.

Cher Pasteur John, je suis une auditrice du podcast aux Philippines. Je ne suis pas sûre de ce que les sources d'information mondiales révèlent sur notre situation politique actuelle, mais il y a beaucoup de nouvelles locales sur les exécutions extrajudiciaires qui ont lieu dans notre pays et un certain nombre d'histoires sur de jeunes gens tués par des policiers parce qu'ils ont soi-disant été identifiés comme des trafiquants de drogue (bien que de nombreux témoins rejettent ces accusations). Ces événements se sont produits et sont devenus très médiatisés depuis que le président a déclaré une « guerre contre la drogue ». Mon intention n'est pas de demander un commentaire politique. En tant que chrétienne, je suis préoccupée par le fait que de nombreux chrétiens, ici aux Philippines, soutiennent notre président et son programme. Ils sont donc perçus comme des partisans de cette violente guerre contre la drogue et, par extension, comme des « partisans » implicites des meurtres. Bien qu'il ne soit pas juste de dire qu'ils approuvent carrément les meurtres, il nous semble, à nous et à d'autres personnes qui s'opposent à ces programmes politiques, qu'il y a une ignorance volontaire ou un manque de discernement parmi ces chrétiens qui déclarent volontiers soutenir ce dirigeant sans aucune réserve, et certains qui pensent qu'il a l'autorité pour faire ce qu'il veut tant que ses méthodes résolvent le problème de la drogue. En conséquence, les chrétiens d'ici commencent à avoir la mauvaise réputation d'être des suiveurs aveugles et des partisans des tueries. Comment pouvons-nous répondre avec sagesse à ces circonstances ?

Il est bien sûr dangereux pour moi de parler avec assurance d’une situation aussi éloignée de la mienne. Mais je tiens à dire quelque chose parce que j’ai entendu une analogie tellement étonnante entre la situation aux Philippines et ce à quoi nous sommes confrontés en Amérique. C’est vraiment tout frais pour moi. C’est ce que j’ai vu dans le journal de ce matin.

Meurtres inexpliqués

Le nombre de personnes qui ne devraient pas être tuées, mais qui le sont par des agents de l’État suscite un énorme tollé ici (dans tout le pays en fait). À quelques kilomètres de chez moi, Justine Damond a été tuée il y a quelque temps par la police. Il n’y avait aucune raison apparente. Pour autant que je sache, on ne nous a donné aucune explication qui s’approche de ce qui s’est passé là-bas.

Hier encore, il y a eu une réunion avec le procureur du comté de Hennepin et les habitants du quartier. L’un d’eux a dit : « Pourquoi y a-t-il deux poids deux mesures entre la police et les citoyens ? Cet officier de police se promène en liberté. Mais si un citoyen avait fait ça, il serait en prison en attendant son procès. » Savez-vous ce que l’avocat du comté d’Hennepin a dit ? Il a dit : « Je n’ai pas de réponse à cela parce que je n’y ai pas réfléchi en ces termes. »

C’est notre problème. L’analogie de nos deux pays, bien qu’inexacte, est suffisante pour me donner envie de dire quelque chose quand même. Il semble que votre gouvernement agisse d’une main de fer en tuant des suspects de drogue sans ce que nous appellerions une « procédure légale régulière ». Il semble qu’une partie de l’Église soit solidaire ou silencieuse (parce que nous sommes censés être soumis au gouvernement), mais ils sont sous la critique pour ce qui semble être une complicité dans ces pratiques injustes. « Que peut faire l’Église ? » nous demande-t-on dans cette question. « Que pouvons-nous faire pour éviter ce genre de ternissement de la réputation de Christ ? ». Permettez-moi de dire simplement quatre choses rapides.

Prier pour que Dieu agisse

Premièrement, Dieu est plus passionné par sa gloire et sa réputation que nous ne le sommes. Il ne souffrira pas une telle situation indéfiniment, permettant qu’elle soit bafouée. Voici Ésaïe 48.10-11 : « Je t’ai affiné au creuset, mais pas pour retirer de l’argent, je t’ai mis à l’épreuve dans la fournaise de l’adversité. C’est à cause de moi, à cause de moi seul, que je veux agir. En effet, comment pourrais-je me laisser déshonorer ? Je ne donnerai pas ma gloire à un autre. »

Prenez courage : la défense du nom de Dieu ne repose pas principalement entre nos mains, mais entre celles de Dieu, et il en est plus jaloux que nous. Alors, priez pour qu’il agisse.

Exprimez-vous

Deuxièmement, 1 Pierre 2.13-15 est extrêmement important à cet égard, car il nous donne un mandat pour confronter prophétiquement le gouvernement avec ses actes d’injustice. Voici ce qu’il dit : « À cause du Seigneur, soumettez-vous à toutes les institutions établies parmi les hommes : soit au roi parce qu’il est au-dessus de tous, soit aux gouverneurs parce qu’ils sont envoyés par lui » – remarquez les deux clauses suivantes – « pour punir ceux qui font le mal et approuver ceux qui font le bien. En effet, c’est la volonté de Dieu qu’en pratiquant le bien vous réduisiez au silence l’ignorance des hommes dépourvus de bon sens. »

Oui, la disposition d’un chrétien devrait être de soutenir et d’être soumis aux gouvernements – gouvernement local et gouvernement national. Cela fait partie de la volonté de Dieu. D’un autre côté, nous devrions – par l’écriture, la parole et la conversation (j’inclurais la prédication dans tout cela) – confronter publiquement les gouverneurs et les présidents qui ne punissent pas le mal et ne font pas l’éloge du bien, surtout lorsque nous inversons le modèle et remarquons qu’ils commencent à participer au mal même qu’ils sont censés punir.

L’Église a un mandat pour dénoncer prophétiquement une telle injustice. Si nous pensons que notre président agit de manière à ne pas affronter le mal, mais à le pratiquer ou à y participer – et à ne pas soutenir le bien, mais à l’entraver – nous avons un mandat biblique pour dénoncer publiquement et prophétiquement ces comportements et ces politiques.

Être un bon voisin

Troisièmement, je pense que la réputation d’une église locale dans le voisinage et la réputation d’un chrétien individuel en tant que voisin sont plus efficaces dans l’évangélisation que la réputation publique de cette chose amorphe appelée l’Église chrétienne.

Si votre église locale est connue pour faire le bien, comme le dit 1 Pierre 2.15, et si vous en particulier êtes connu par vos collègues de travail, vos camarades de classe et vos voisins pour être une personne gracieuse, gentille, serviable, aimante et sacrificielle, cela ira beaucoup plus loin pour le nom de Christ parmi ceux avec qui vous vivez que tout ce qu’ils lisent dans la presse en guise de critique de l’Église chrétienne.

Ne perdez pas courage

Quatrièmement, la dernière chose que je voudrais dire, c’est que nous ne devons jamais penser que les mauvaises représentations publiques de l’Évangile – les critiques de l’Évangile – vont nécessairement arrêter la croissance de l’Église. Une mauvaise réputation donnée à l’Église par le monde n’arrêtera pas les desseins de Dieu.

Si je dis cela, ce n’est pas seulement à cause de ce que je viens de dire dans le troisième point – à savoir que les réputations personnelles sont plus efficaces dans l’évangélisation que les perceptions publiques – mais aussi à cause de ce que dit Actes 28.22 sur l’Église primitive. La situation est la suivante : Paul s’adresse à des Juifs alors qu’il est en prison à la fin de sa vie. Voici ce qu’ils lui disent : « Cependant, nous voudrions t’entendre dire toi-même ce que tu penses, car nous savons que cette secte rencontre de l’opposition partout. »

C’est incroyable. « Nous savons que ce christianisme que tu es venu promouvoir est une secte qui est critiquée partout. » Nous connaissons un autre fait : l’Église a grandi comme une traînée de poudre pendant les trois cents premières années alors qu’elle était critiquée partout.

Malheur à nous si nous nous mettons à penser que l’Église doit avoir une bonne réputation pour faire ce qu’elle est appelée à faire. Nous devons nous soucier de la réputation de l’Église. Mais si certains croyants de nom agissent de manière non biblique et que la presse en fait grand cas, eh bien, bienvenue au premier siècle, mes amis.

Ne perdez pas courage. Parlez pour la cause de la vérité et de la justice. Parlez. Mais surtout, vivez. Vivez parmi des personnes réelles, en chair et en os, comme Christ le ferait, et vous rendrez un grand service à la réputation de Jésus.


Cet article est une traduction de l’article anglais « When Do Christians Resist a Government That Kills Its Citizens? » du ministère Desiring God par Timothée Davi.


Pasteur John Piper vous répond présente les réponses que le pasteur John Piper donne à des questions théologiques et pastorales difficiles. Ce podcast, créé en partenariat avec Desiring God, vous est offert par Revenir à l’Évangile, un blog et un ministère de Publications Chrétiennes. Pasteur John répondra à deux questions chaque semaine. Vous pourrez entendre ses réponses sur notre blog, Facebook, Youtube, Apple Itunes Store et sur l’appareil que vous utilisez pour écouter des podcasts