Quand de bons rêves ne deviennent pas réalité (Luke Walker)

Nous avons tous vécu cette expérience. Cette douceur qui persiste, ce sentiment de réalité qui nous rattrape, puis ce soupir de nostalgie : « Ce n’était qu’un rêve. » Comme nous aimerions pouvoir revenir en arrière ! Et puis, comme nous aimerions pouvoir nous en souvenir. Car très vite, le rêve disparaît de la mémoire et la vie éveillée envahit nos sens.

Les chrétiens rêvent souvent, pour ainsi dire, de ce que Dieu pourrait faire dans leur vie pour sa gloire. Parfois, certains de ces bons rêves commencent à prendre racine dans notre esprit et à nourrir l’espoir dans notre cœur. Nous nous accrochons à eux. Nous commençons à y croire. Mais que se passe-t-il lorsque ces bons rêves ne deviennent pas réalité ? Et pourquoi Dieu nous laisse-t-il rêver de bonnes choses qui ne se réalisent jamais ? La réponse est aussi merveilleuse qu’elle donne à réfléchir : pour qu’il puisse écraser nos petites idées de grandeur et nous montrer quelque chose de mieux.

Appelés à un endroit improbable

Par où commencer ? La Providence a parlé. J’ai été appelé à cette chaire. Ce n’était pas la porte que j’aurais choisie pour moi, mais elle était grande ouverte, et d’autres portes avaient été fermées. Lorsque j’ai rejoint cette petite église quatre ans plus tôt, je l’avais fait dans la foi que si le Seigneur voulait m’appeler au ministère, il le ferait par le biais de la plus haute autorité sur terre, l’église locale. C’est ce qu’il a fait. Et ce n’était pas du tout ce que l’on attendait. Un esprit semblable à celui des Touques s’est réveillé en nous, et nous sommes partis à l’aventure.

Notre pasteur n’était pas celui qu’il prétendait être, et nous l’avons découvert à nos dépens. Sa doctrine était solide, il semblait être dévoué à la gloire de Dieu. Mais comme il est écrit : « Les péchés de certains hommes sont évidents avant même qu’on les juge, mais chez d’autres ils ne se découvrent que par la suite. » (1 Timothée 5.24). Dieu a commencé à faire tomber le masque. Les gens sont partis. Des anciens sont partis. Finalement, la situation est devenue claire pour tous ceux qui souhaitaient voir la vérité. Il a démissionné en montrant des signes de repentance, mais a finalement fait marche arrière et s’est enfui.

Que pouvait-on faire ? Un petit troupeau était là, engagé les uns envers les autres. Ils sont restés. J’ai fait de même et j’ai bientôt été désigné pour prêcher. Certains de mes amis sont venus m’aider, d’autres se sont éloignés de moi pour d’autres raisons. Le combat spirituel du ministère avait commencé.

Mais peu importe. Ici, enfin, un chemin clair s’ouvrait devant moi. Je m’y suis préparé pendant des années. L’étude. La méditation. La prière. J’avais prêché au coin des rues. J’avais exhorté les saints après des appels de dernière minute à remplir la chaire. J’avais assisté à des réunions d’anciens et j’avais exercé le ministère sous leur direction. J’avais exposé la parole à ces gens. Dieu m’avait appelé ici, et m’avait gardé ici, pour cela.

Un bon rêve s’éteint

Nous allons bientôt commencer à grandir, me suis-je dit.  Nous avions tout contre nous, mais Dieu s’était montré comme étant notre soutien. Le don et l’appel étaient présents, et les gens étaient disposés et croyants. Nous avons prié. Nous avons évangélisé. D’un mois à l’autre, nous allions grandir. Mais alors que les mois s’étiraient en années, je me suis lentement mais sûrement réveillé de mon rêve. C’était un beau rêve, mais c’était un rêve. Il ne devait pas se réaliser. Nous étions une petite Église boiteuse, une congrégation semblable aux misérables de Victor Hugo, et nous risquions de le rester pour toujours, si tant est que nous survivions.

Il est difficile de décrire le genre de souffrance qui s’est lentement installée en moi. Le tourment a pris son temps. Comme le supplice de la goutte d’eau, échec après échec s’est abattu sur mon âme sensible, et les meurtrissures se sont succédé dans les lieux désolés de ce désert que les hommes appellent la chaire. C’était une souffrance de l’âme qui ne peut être décrite que comme une humiliation.

« Il y a peu de choses, écrit Paul Tripp, qui soient aussi personnellement humiliantes que le ministère. Il y a peu d’entreprises qui ont le pouvoir de produire en vous des sentiments aussi profonds d’inadéquation que le ministère » (Dangerous Calling, 129; trad. Un appel dangereux). Les luttes de mon âme se déroulaient dans un coin tranquille, invisible pour le monde et à peine visible pour mon entourage, même si parfois ils voyaient mon désespoir. J’ai été poussé dans la poussière devant un seul public : moi.

Dans cet endroit solitaire, Dieu m’a montré de quoi j’étais fait. Je n’étais rien, je ne pouvais rien faire. Je savais ce que Paul disait, mais maintenant je goûtais et je voyais cette réalité, et je m’écriais avec lui : « Qui donc est qualifié ? » (2 Corinthiens 2.16).

« Il y a peut-être de l’espoir »

Ne m’est-il jamais venu à l’esprit que tout cela était bien une réponse de Dieu à mes vieilles prières demandant à être utile ?

J’avais lutté avec lui à ce sujet bien avant. Je l’ai supplié de ne pas me laisser suivre mon cours en vain ou gaspiller ma vie. Se pouvait-il que toute cette agitation soit en réalité la véritable réponse à mes prières ? Comme toute histoire vraie, il y avait toutes les parties qu’on ne montre pas dans les films, et toutes les parties qu’on montre dans la Bible : l’attente, le désir, la souffrance silencieuse, le réconfort que procure le fait d’envisager de tout abandonner. C’était bon pour moi :

Il est bon, pour l’homme,

de devoir se plier à des contraintes dans sa jeunesse.

Qu’il se tienne solitaire et silencieux,

lorsque l’Éternel le lui impose !

Qu’il mette sa bouche dans la poussière :

il y a peut-être de l’espoir. (Lamentations 3.27-29)

J’ai appris quelque chose sur la patience, et plus important encore, j’ai appris quelque chose sur le contentement dans mon Seigneur qui m’aime tant. Je suis toujours là. Ma situation me convient de plus en plus, et moi à elle. J’apprends à servir mon Dieu là où je suis, car je suis l’œuvre de la providence de Dieu. Et maintenant, lentement mais sûrement, nous construisons ensemble son Église.

Sauvés de nos plans

Frères et sœurs, nous sommes l’œuvre de Dieu. Il se soucie de nous. Il nous envoie des épreuves pour nous façonner à sa ressemblance. Nous nous inquiétons de notre succès dans le royaume, alors que Dieu met l’accent sur le succès du royaume en nous. Nous voulons sauver le monde, mais Dieu a toujours en tête de nous sauver. Pouvons-nous pour une fois le laisser être Dieu ? Sa providence guide nos pieds dans les voies qu’il a préparées pour nous. Il n’y a pas de résistance à lui opposer. Pourquoi voudrions-nous lui résister ? Toute sa personne est pleine de charme et il est plein de bonté à notre égard.

Admettons que Dieu nous laisse réaliser nos petits rêves. Dans ce cas, notre vie ressemblerait à l’île Sombre de Narnia, que vous connaissez peut-être sous son autre nom : « L’île où les rêves deviennent réalité ». Nous, comme le pauvre Seigneur Rhoop, nous précipiterions vers cet endroit dans un abandon insouciant sans aucun moyen de nous échapper, sans savoir que l’île où les rêves deviennent réalité est en fait l’endroit où les cauchemars deviennent réels.

De quelles innombrables horreurs nous a-t-il sauvés ? Combien infiniment bonnes sont ses intentions à notre égard ? Que nous le sachions ou non, lorsque Dieu nous sauve de nos propres rêves, nous sommes comme les Narniens qui ont finalement échappé aux rives de cette île maudite : « De même qu’il y a des moments où le simple fait d’être couché dans son lit et de voir la lumière du jour passer par la fenêtre… et de se rendre compte que ce n’était qu’un rêve, que ce n’était pas réel, est si merveilleux que cela valait presque la peine de faire un cauchemar pour avoir la joie de se réveiller, ainsi se sentaient-ils tous lorsqu’ils sortirent de l’obscurité », où leurs propres rêves se réalisaient.

Le Grand Conteur aura sa liberté. Le développement de ses personnages est exquis. Nous sommes ses chefs-d’œuvre. Il sait ce qu’il veut faire de nous, et la joie qu’il veut que nous ayons. Ne pouvons-nous pas lui faire confiance ? Ne pouvons-nous pas lui remettre tous les bons plans de notre cœur, en sachant que ses plans sont meilleurs ? Embrassez votre situation là où vous êtes, et voyez ce que Dieu y réalise. Après tout, nous sommes plus que vainqueurs dans toutes ces choses, et non extirpés d’elles (Romains 8.37).


Cet article est une traduction de l’article anglais « When Good Dreams Don’t Come True » du ministère Desiring God par Timothée Davi.