Marcher dans l’humilité — Éphésiens 4.1-3 (John MacArthur)
Je vous exhorte donc, moi, le prisonnier dans le Seigneur, à marcher d’une manière digne de la vocation qui vous a été adressée, en toute humilité et douceur, avec patience, vous supportant les uns les autres avec amour, vous efforçant de conserver l’unité de l’Esprit par le lien de la paix.
Éphésiens 4.1-3
Paul énumère ici cinq éléments essentiels de vie chrétienne fidèle, cinq attitudes nécessaires pour qu’une marche soit digne de la vocation reçue du Seigneur.
Ces caractéristiques, dont l’humilité est le fondement, forment une progression, dans laquelle l’exercice de chacune conduit aux suivantes.
Le terme tapeinophrosunê (humilité) est un mot composé qui désigne littéralement le fait de penser et de juger sans s’élever soi-même, et donc d’être humble dans ses pensées. John Wesley a fait la remarque suivante : « ni les Romains ni les Grecs n’avaient de terme pour humilité ». L’idée même leur était tellement étrangère et tellement répugnante qu’ils n’avaient aucun terme pour la décrire. Ce terme grec a apparemment été créé par les chrétiens, probablement par Paul lui-même, pour décrire une qualité pour laquelle aucun mot n’existait. Pour les fiers Grecs et Romains, leurs termes ignoble, lâche, et d’autres encore, étaient suffisants pour décrire la personne « anormale » qui ne se considérait pas elle-même avec orgueil et satisfaction de soi. Lorsque, durant les premiers siècles de l’ère chrétienne les écrivains païens commenceront à emprunter le terme tapeinophrosunê, ils lui donneront toujours un sens péjoratif — fréquemment en parlant de chrétiens — parce que, pour eux, l’humilité est une honteuse faiblesse.
Mais l’humilité est la plus fondamentale des vertus chrétiennes. Nous sommes loin de pouvoir plaire à Dieu si nous n’avons pas d’humilité, tout comme notre Seigneur n’aurait pas pu plaire à son Père s’il ne s’était pas volontairement « dépouillé lui-même, en prenant une forme de serviteur, […] se rendant obéissant jusqu’à la mort, même jusqu’à la mort de la croix » (Ph 2.7,8).
Pourtant, l’humilité est difficile à saisir, car si on se concentre trop sur elle, elle devient de l’orgueil, qui lui est diamétralement opposé. C’est une vertu qu’il faut rechercher, mais sans jamais prétendre l’avoir atteinte, car elle disparaît aussitôt. Seul Jésus, le Fils parfaitement obéissant, pouvait, avec justice, dire qu’il était humble : « Prenez mon joug sur vous et recevez mes instructions, car je suis doux et humble de cœur » (Mt 11.29). Il était le fils de Dieu descendu sur terre, pourtant, il est né dans une étable, ce sont des paysans qui l’ont élevé, il n’a jamais rien possédé, à part le vêtement qu’il portait, et on l’a enterré dans une tombe empruntée. Il aurait pu, quand il le voulait, exercer ses droits divins, ses prérogatives, et sa gloire, mais, obéissant et humble, il a refusé de le faire, parce qu’en le faisant il serait sorti de la volonté de son Père. Si le Seigneur de gloire a marché dans l’humilité lorsqu’il était sur terre, que pouvons-nous faire d’autre, nous ses disciples imparfaits ? « Celui qui dit qu’il demeure en lui doit marcher aussi comme il a marché lui-même » (1 Jn 2.6).
Bien que l’humilité soit centrale au caractère chrétien, aucune vertu n’est plus étrangère aux voies du monde. Le monde exalte l’orgueil, pas l’humilité. À travers les siècles, la nature humaine, conduite par Satan, le prince de ce monde, a repoussé l’humilité et préconisé l’orgueil. On considère le plus souvent l’humilité comme une faiblesse, une infirmité quelque chose d’ignoble qu’il faut mépriser. On se glorifie sans vergogne de son travail, de ses enfants, de ce qu’on a accompli, etc. La société aime reconnaître et louer ceux qui ont accompli quelque chose de grand. C’est l’ostentation, la fierté, la vanité et l’exaltation de soi qui sont à la mode.
Malheureusement, l’Église reflète souvent la perspective et les façons de faire humaines. Elle établit des programmes et s’organise autour de l’attrait superficiel des récompenses, des trophées et du renom. Nous semblons avoir trouvé une manière « acceptable » d’encourager la fierté, parce que nous le faisons au nom de l’Évangile. Mais en le faisant, nous contredisons l’Évangile même que nous prétendons proclamer, parce que la caractéristique de l’Évangile est l’humilité, pas l’orgueil ni l’exaltation de soi. On ne peut pas servir Dieu selon les voies du monde. Dieu appelle à l’humilité, et on ne peut accomplir son œuvre que dans l’humilité.
Le premier péché a été le péché d’orgueil, et tous ceux qui ont suivi en ont été une espèce d’extension. C’est l’orgueil qui a conduit l’ange Lucifer à s’exalter au-dessus de son Créateur et Seigneur. Parce que l’« astre brillant, fils de l’aurore » s’est mis à dire : « Je, je, je » en s’opposant à la volonté de Dieu, il a été précipité hors du ciel (És 14.12-23). Parce qu’il a dit : « Je suis un dieu », le Seigneur l’a précipité « de la montagne de Dieu » (Éz 28.11-19). Le péché originel d’Adam et Ève a été l’orgueil. Ils ont mis leur propre compréhension au-dessus de celle de Dieu (Ge 3.6,7). L’auteur des proverbes donne les avertissements suivants : « Quand vient l’orgueil, vient aussi l’ignominie » (11.2), « L’arrogance précède la ruine, et l’orgueil précède la chute » (16.18), et : « Des regards hautains et un coeur qui s’enfle cette lampe des méchants, ce n’est que péché » (21.4).
Ésaïe donne l’avertissement suivant : « L’homme au regard hautain sera abaissé, et l’orgueilleux sera humilié : l’Éternel seul sera élevé ce jour-là » (És 2.11 ; voir aussi 3.16-26). Dieu a dit à Babylone : « Voici, j’en veux à toi, orgueilleuse ! […] car ton jour est arrivé, le temps de ton châtiment. L’orgueilleuse chancellera et tombera, et personne ne la relèvera » (Jé 50.31,32). Le dernier chapitre de l’Ancien Testament commence par ces mots : « Car voici le jour vient, ardent comme une fournaise. Tous les hautains et tous les méchants seront comme du chaume » (Ma 4.1). Les Béatitudes commencent par ces mots : « Heureux les pauvres en esprit » (Mt 5.3), et Jacques nous assure que « Dieu résiste aux orgueilleux, mais [qu’]il fait grâce aux humbles » (Ja 4.6 ; voir aussi Ps 138.6).
L’orgueil est la tentation suprême que Satan utilise, parce que l’orgueil est au centre de sa propre nature déchue. Conséquemment, il s’arrange pour que le chrétien ne soit jamais complètement à l’abri de la tentation de l’orgueil. Nous lutterons avec l’orgueil jusqu’au jour où le Seigneur nous prendra près de lui. Notre seule protection contre l’orgueil, et notre seule source d’humilité, est une vision claire de la personne de Dieu. L’orgueil est une concurrence pécheresse faite à Dieu, et l’humilité est la vertu de la soumission à sa volonté pour sa gloire suprême.
L’orgueil prend bien des formes. On peut être tenté d’être fier de ses capacités, de ses possessions, de son éducation, de son rang social, de son apparence, de son influence, et même de sa connaissance de la Parole de Dieu ou de ce qu’on a accompli en matière de religion. Mais partout dans les Écritures, Dieu appelle son peuple à l’humilité. « L’humilité précède la gloire » (Pr 15.33). « Le fruit de l’humilité, de la crainte de l’Éternel, c’est la richesse, la gloire et la vie » (Pr 22.4). « Qu’un autre te loue, et non ta bouche, un étranger, et non tes lèvres » (Pr 27.2).
L’humilité joue un rôle dans toute bénédiction spirituelle. Tout comme tout péché a ses racines dans l’orgueil, toute vertu a les siennes dans l’humilité. Celle-ci permet de se voir tel qu’on est, parce que par elle on se voit devant Dieu tel qu’il est. Tout comme l’orgueil joue un rôle dans tous nos conflits avec les autres, dans toutes nos difficultés de communier avec le Seigneur, l’humilité joue un rôle dans toutes les relations humaines harmonieuses, dans toutes les victoires spirituelles, et dans tous les moments de joyeuse communion avec le Seigneur.
À l’époque de l’esclavage aux Antilles, un groupe de chrétiens moraves se sont aperçu qu’il leur était impossible de témoigner aux esclaves parce que ceux-ci étaient tenus presque totalement à l’écart de la classe dirigeante — dont beaucoup de membres auraient considéré qu’ils se rabaissaient en adressant la parole à des esclaves. Mais deux jeunes missionnaires étaient déterminés à approcher ces gens oppressés quoi qu’il leur en coûte. Pour obéir à l’appel de Dieu, ils se sont joints aux esclaves. Ils travaillaient et vivaient avec eux, et se sont faits littéralement leurs semblables — en partageant leur dur labeur, leurs coups et autres mauvais traitements. Est-il surprenant que les deux missionnaires aient gagné le cœur de ces esclaves, dont beaucoup ont accepté pour eux-mêmes le Dieu qui pouvait pousser des hommes à un tel renoncement d’amour ?
En fait, on ne peut même pas devenir chrétien sans d’abord s’humilier, sans se reconnaître pécheur et digne seulement de la juste condamnation de Dieu. Jésus a dit : « Je vous le dis en vérité, si vous ne vous convertissez et si vous ne devenez comme les petits enfants, vous n’entrerez pas dans le royaume des cieux. C’est pourquoi quiconque se rendra humble […] » (Mt 18.3,4). Au sommet de sa renommée et de sa reconnaissance comme prophète, Jean-Baptiste a dit de Jésus : « je ne suis, pas digne de porter ses souliers » (Mt 3.11), et : « Il faut qu’il croisse, et que je diminue » (Jn 3.30). Marthe se tenait très occupée, ostensiblement pour Jésus, mais à trois occasions nous voyons Marie humblement assise aux pieds de Jésus. Les auteurs des quatre Évangiles se dissimulent eux-mêmes et font voir Jésus. Comme il leur aurait été facile d’inclure des détails élogieux sur eux-mêmes. Matthieu se décrit comme un publicain méprisé, ce qu’aucun des trois autres auteurs ne mentionne de lui. Il ne dit rien, par contre, du festin qu’il a donné pour que ses collègues puissent rencontrer Jésus. À cause de l’humilité de Matthieu, il a fallu que Luc nous rapporte cet événement.
Marc a probablement écrit sous la tutelle de Pierre et, peut-être sous son influence, il n’a pas rapporté les deux choses les plus étonnantes qui soient arrivées à celui-ci : sa marche sur les eaux et sa confession de Jésus comme le Christ, le Fils du Dieu vivant. Jean ne se mentionne jamais par son nom, mais se décrit comme « le disciple que Jésus aimait ».
Dans un recueil de vieilles citations, j’ai trouvé cet excellent paragraphe écrit par Thomas Guthrie :
Les plus grands édifices, les plus hautes tours, les plus élevés des clochers reposent sur de profondes fondations. La sûreté des dons éminents et des grâces prééminentes repose sur leur association avec une humilité profonde. Ils sont dangereux sans elle. Les grands hommes doivent être des hommes bons. Regardez un grand navire, un monstre de la mer avec ses hauts mats et ses nuages de voiles. Comment se stabilise-t-il sur les vagues et avance-t-il tout droit sur les eaux mouvantes, comme s’il avait une vie propre, se contrôlant elle-même ? […] Pourquoi n’est-il pas couché sur ses baux, et envoyé par le fond ? Parce que, invisible sous la surface de la mer, une grande coque bien lestée maintient son équilibre et s’appuie sur l’eau, et le garde d’aplomb sous la poussée de ses voiles et sur le sein de la vaste mer. De la même façon, pour garder le saint droit et l’empêcher de tomber, Dieu fait la grâce à celui à qui il a fait de merveilleux dons d’ajouter l’humilité en proportion.
L’humilité commence par une bonne conception de soi-même. Bernard de Clairvaux a dit que c’était « la vertu qui permet à un homme de voir sa propre indignité ». Elle commence avec une évaluation de soi-même honnête, sans embellissements, et sans retouches. La première chose dont celui qui est honnête constate la présence en lui-même, est le péché, et une des marques les plus certaines de la véritable humilité est la confession quotidienne des péchés. « Si nous disons que nous n’avons pas de péché, nous nous séduisons nous-mêmes, et la vérité n’est point en nous. Si nous confessons nos péchés, il est fidèle et juste pour nous les pardonner, et pour nous purifier de toute iniquité » (1 Jn 1.8,9). Paul dit : « Nous n’osons pas nous égaler ou nous comparer à quelques-uns de ceux qui se recommandent eux-mêmes. Mais, en se mesurant à leur propre mesure et en se comparant à eux-mêmes, ils manquent d’intelligence » (2 Co 10.12). Ce n’est pas seulement manquer de spiritualité, mais également d’intelligence, de se juger en se comparant aux autres. Nous avons tous tendance à exagérer nos qualités et à minimiser celles des autres. L’humilité nous ôte nos lunettes aux verres teintés de rose et nous permet de nous voir exactement tels que nous sommes. Paul dit que nous ne sommes pas « par nous-mêmes capables de concevoir quelque chose comme venant de nous-mêmes. Notre capacité vient de Dieu » (2 Co 3.5).
Ensuite, l’humilité nécessite une bonne conception de Christ. Il est la seule norme à laquelle on puisse mesurer la justice et le fait qu’on plaise ou non à Dieu. Nous devrions avoir comme but rien de moins que « marcher aussi comme il a marché lui-même » (1 Jn 2.6), et Jésus a marché à la perfection. Ce n’est que de lui que Dieu a jamais dit : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui j’ai trouvé mon plaisir » (Mt 3.17 — Darby).
Enfin, l’humilité nécessite une bonne conception de Dieu. Lorsqu’on étudie la vie de Jésus dans les Évangiles on en vient à constater de plus en plus sa perfection humaine : son humilité parfaite, sa soumission parfaite au Père, son amour parfait, sa compassion et sa sagesse parfaites. Mais, au-delà de sa perfection humaine, nous en venons à voir sa perfection divine : sa puissance sans limites, sa connaissance du coeur et des pensées des hommes, son autorité pour guérir les maladies, chasser les démons, et même pardonner les péchés. Nous en venons à voir Jésus-Christ comme Ésaïe a vu le Seigneur : « assis sur un trône très élevé ». Et nous voulons crier avec les séraphins : « Saint, saint, saint est l’Éternel des armées », et avec le prophète lui-même : « Malheur à moi ! je suis perdu, car je suis un homme dont les lèvres sont impures, j’habite au milieu d’un peuple dont les lèvres sont impures, et mes yeux ont vu le Roi, l’Éternel des armées » (És 6.1,3,5).
Lorsque Paul se regarde et se voit tel qu’il est, il se voit comme le premier des pécheurs (1 Ti 1.15). Lorsque Pierre s’est regardé, dans la pleine conscience de qui était Christ, il s’est écrié : « Seigneur, retire-toi de moi, parce que je suis un homme pécheur » (Lu 5.8). Lorsque Job s’est vu, dans la pleine conscience de qui était Dieu, il s’est écrié : « je me condamne et je me repens sur la poussière et sur la cendre » (Job 42.6).
Notre réussite en affaires, notre renom, notre éducation, notre richesse, notre personnalité, nos bonnes œuvres, et quoi que ce soit d’autre que nous puissions avoir ou être par nous-mêmes, sont sans valeur aucune devant Dieu. Plus nous nous appuyons sur ces choses et nous en glorifions, plus grande est la barrière qu’elles forment à notre communion avec Dieu. Tous doivent paraître devant le Seigneur en sachant que rien ne les justifie et que tout les condamne. Mais lorsqu’ils y vont avec l’esprit repentant du publicain en disant : « Ô Dieu, sois apaisé envers moi, qui suis un pécheur », Dieu est heureux de les accepter avec amour. « Car quiconque s’élève sera abaissé, et celui qui s’abaisse sera élevé » (Lu 18.13,14).
Cet article est tiré du livre : Éphésiens de John MacArthur