L’importance d’être franc (John Piper)

Regard sur la sévérité et la gentillesse

La plupart d’entre nous connaissons des gens qui sont directs. Parfois, ce trait de caractère se transforme en rudesse et en méchanceté. Si cela se produit souvent, il se peut qu’on soit face à un trouble de la personnalité, parce qu’ils sont incapables d’exprimer d’autres émotions que la frustration et la colère. Ils offrent peu de renforcement positif et peu d’appréciation, quel que soit le sujet. Ils expriment rarement de façon spontanée la sorte de joie qui permet de s’oublier soi-même, et nous entraîne dans une merveilleuse expérience.

D’autre part, la plupart d’entre nous connaissons des gens qui sont toujours joyeux, souriants, toujours encourageants, toujours gentils et chaleureux. On s’en émerveille. Cela semble formidable et biblique. Mais avec le temps, on s’aperçoit qu’il manque quelque chose.


Ce que nous voulons voir chez les autres, et avoir en nous-mêmes, c’est une sorte de plénitude qui peut être brutale, énergique et corrective lorsque c’est nécessaire, mais qui a aussi un modèle paisible d’encouragement, d’affirmation et de gentillesse.


Ces individus semblent ne jamais remarquer le péché chez les autres. Ils paraissent ne jamais réagir au mal ou à l’injustice dans la société. Ils n’interviennent pas quand d’autres sont en lutte avec un problème moral difficile. Ils ne donnent pas leur avis quand il y a un cas de discipline d’église, quand un des membres est coupable d’une faute, et refuse de se repentir. Ils semblent incapables d’exprimer un désaccord, de corriger, ou de réprimander. Ils ne sont que positifs ou silencieux.

Ce qu’on avait tout d’abord considéré comme une marque de bonté commence à ressembler à un déséquilibre révélant l’insécurité. Un manque de conviction ou de cran au niveau moral. Une crainte du conflit. Un besoin désespéré que tout se déroule sans problème et soit positif. Un besoin d’être perçu favorablement, et une crainte latente d’être critiqué ou rejeté. Et petit à petit on découvre qu’il y a quelque chose de malsain derrière ce visage souriant.

Prodigue d’encouragements, direct quand il faut faire des reproches

Ce que nous voulons voir chez les autres, et avoir en nous, c’est la sorte d’intégrité qui nous permet d’être très direct et rigoureux et d’exercer la discipline quand c’est nécessaire, mais aussi d’encourager, de soutenir avec calme et bienveillance. Dans notre monde, on rencontre couramment des manifestations de colère. Ce n’est pas rare. La plupart des gens sont capables d’exprimer la colère. Mais ce que nous désirons est une bonté qui prédomine et est tout aussi capable de susciter des émotions positives comme la gratitude, l’admiration, l’attente pleine d’espoir, la joie devant les bonnes nouvelles, une sympathie sincère, que la peine devant les mauvaises nouvelles.

Paul était l’un de ces individus qui savent prodiguer les encouragements, mais être directs lorsqu’ils doivent formuler des reproches. Par exemple, l’église de Corinthe avait des problèmes. Il y avait des conflits au niveau des responsables, de la discipline d’église, la nourriture offerte aux idoles païennes, la sainte cène, le rôle des femmes lors du culte, la façon d’exercer les dons spirituels, et plus encore. En bref, cette église accablait Paul de soucis (2 Corinthiens 11.28). Pourtant notez l’introduction à la première lettre qu’il leur a envoyée :

« Je rends à mon Dieu de continuelles actions de grâces à votre sujet, pour la grâce de Dieu qui vous a été accordée en Jésus-Christ. Car en lui vous avez été comblés de toutes les richesses qui concernent la parole et la connaissance, le témoignage de Christ ayant été solidement établi parmi vous, de sorte qu’il ne vous manque aucun don, dans l’attente où vous êtes de la manifestation de notre Seigneur Jésus-Christ. Il vous affermira aussi jusqu’à la fin, pour que vous soyez irréprochables au jour de notre Seigneur Jésus-Christ. Dieu est fidèle, lui qui vous a appelés à la communion de son Fils, Jésus-Christ notre Seigneur » (1 Corinthiens1.4-9).

Paul ne prodiguait pas ce genre de haute recommandation que dans ses lettres. Nous savons tous que certains peuvent écrire de gentils messages, mais être émotionnellement maladroits quand on les rencontre en personne. Paul pouvait être aussi chaleureux en exprimant ses émotions dans ses épîtres, qu’en personne. Par exemple, il écrit à l’église de Thessalonique :

« Nous avons été pleins de douceur au milieu de vous. De même qu’une nourrice prend un tendre soin de ses enfants, nous aurions voulu, dans notre vive affection pour vous, non seulement vous donner l’Évangile de Dieu, mais encore notre propre vie, tant vous nous étiez devenus chers » (1 Thessaloniciens 2.7-8).

Mais au moment voulu, Paul pouvait être très direct et austère dans ses réprimandes. Par exemple, après un début chaleureux et valorisant, il dit ensuite aux Corinthiens : « En donnant cet avertissement, ce que je ne loue point, c’est que… » (1 Corinthiens 11.17). C’est clair, franc et direct.

Direct, bref, et enclin au pardon

Paul était profondément conscient que réprimander et redresser comportait des limites. Ce genre de traitement devait être bref et viser la rédemption autant que possible. Écoutez le souci qu’il avait d’un frère soumis à la discipline, sur sa propre suggestion :

« Il suffit pour cet homme du châtiment qui lui a été infligé par le plus grand nombre, en sorte que vous devez bien plutôt lui pardonner et le consoler, de peur qu’il ne soit accablé par une tristesse excessive. Je vous exhorte donc à faire acte de charité envers lui » (2 Corinthiens 2.6-8).

C’est beau, d’autant plus que Paul avait le cran moral et la capacité émotionnelle de dire : « Ce que je ne loue point, c’est que… » et « Je rends à mon Dieu de continuelles actions de grâces à votre sujet… Il vous affermira aussi jusqu’à la fin. » Cette sorte de profond équilibre émotionnel suscite dans mon cœur admiration et affection pour cet homme extraordinaire.


Cet article est adapté du livre : « Pourquoi j’aime l’apôtre Paul » de John Piper