L’implantation d’Église nécessite des pasteurs, et non des entrepreneurs (Matt McCullough)

Lorsque j’ai été reconnu pour la première fois comme implanteur d’Église, les gens me demandaient souvent si je me considérais comme un entrepreneur. Je crois que la question était justifiée.

Elle était justifiée, dans un sens, à cause de mon manque d’expérience. Imaginez l’expression des gens qui me posaient cette question en haussant un sourcil : « Penses-tu vraiment être un entrepreneur ? » À cette époque, je n’avais encore jamais entrepris rien d’important, à part plusieurs programmes d’étude. Mon travail à temps plein n’était qu’un rouage de plus dans la grande roue des travaux qui se faisaient à l’université. Tout comme les autres étudiants diplômés, j’étais bien content de pouvoir continuer à lire, à écrire et à enseigner dans mon domaine d’étude. J’avais le plaisir de m’adresser exclusivement à des personnes intéressées ou à des groupes qui n’avaient pas d’autres choix que de m’écouter parler. J’étais loin de correspondre au modèle typique de l’implanteur d’Église.

Cette question, plutôt courante, avait du sens à la lumière de mon expérience, car elle se basait sur un présupposé assez répandu. Je crois que nous assumons généralement que l’implantation d’Église exige plus de compétences entrepreneuriales comparativement aux autres contextes pastoraux. Mais est-ce exact ? Est-ce que les implanteurs d’Église doivent être des entrepreneurs ?

Cela peut être utile

Évidemment, la réponse à cette question dépend de notre compréhension du mot « entrepreneur ». Voici une définition possible : « Un entrepreneur est une personne qui, ayant vu une occasion, prend le risque de réunir des capitaux et une main-d’œuvre dans le but de fonder une entreprise qui réalisera un certain nombre d’objectifs économiques. »

Même si cette définition s’applique plus au monde des affaires qu’au contexte de l’Église locale, nous pouvons y voir des similitudes qui nous amènent souvent à associer l’implantation d’Église à l’entrepreneuriat. Les implanteurs d’Église construisent quelque chose à partir de rien. Ils font cela après avoir trouvé une occasion favorable qui leur permettra de répondre à un besoin. À cause de leurs ressources limitées, ils doivent souvent s’investir personnellement en sacrifiant leur temps et leur énergie, en plus de faire preuve de flexibilité et de créativité.

En tant qu’implanteur d’Église, vous devez être prêt à faire tout ce qui est nécessaire. Vous ne pouvez pas vous appuyer sur une structure bien solide et ne faire que le minimum, en laissant certaines tâches à des spécialistes. Comme il n’y a aucun système en place, vous devez être capable de faire des plans, d’avoir une vue d’ensemble et d’identifier les étapes à suivre pour accomplir vos objectifs. Vous devez gérer les nombreux imprévus quotidiens et être disponible pour accomplir la moindre tâche qui peut survenir.

Cela n’est pas nécessaire ni suffisant

Cela dit, je suis la preuve vivante que les nouvelles Églises peuvent s’épanouir, même si elles n’ont pas de pasteurs ayant un profil entrepreneurial. L’important est d’être entouré par les bons leaders. Avoir plusieurs anciens est une très bonne chose. Aucun de nous n’est destiné à travailler seul. De mon côté, les leaders qui m’entourent ont su corriger mes mauvaises intuitions ou les erreurs liées à mon manque d’expérience.

Mon expérience personnelle ne devrait toutefois pas être au centre de la question. Être identifié comme un entrepreneur n’est pas nécessaire, car Dieu n’a pas dit que ce l’était. Il n’y a aucune liste de qualités bibliques qui mentionne qu’il faut « avoir un esprit entrepreneurial ». Il est vrai que cela peut être utile dans le contexte d’une implantation d’Église. Vous pouvez profiter de ce type d’avantage, mais on ne parle pas ici d’une exigence biblique.

Vous pouvez être à la tête d’un projet d’implantation d’Église sans être un entrepreneur. Toutefois, vous ne devriez pas diriger une implantation d’Église si vous n’êtes pas un pasteur.

Après tout, l’expression « implantation d’Église » n’est pas tout à fait appropriée. Il s’agit d’une appellation décrivant une réalité chronologique, et non ontologique. Les implantations d’Églises sont des Églises, et les Églises n’ont pas fondamentalement besoin d’entrepreneurs. Elles ont besoin de pasteurs. Elles ont besoin de personnes qui pourront leur enseigner la Bible, les aider à marcher d’une manière conforme à l’Évangile et les outiller dans leur ministère les uns pour les autres.

Bien sûr, certains doivent se déplacer de ville en ville pour fonder de nouvelles Églises, tout comme l’a fait l’apôtre Paul. C’est peut-être l’appel que Dieu vous a mis à cœur. Cependant, l’une des priorités de Paul était de s’assurer que des pasteurs étaient établis dans les Églises qu’il fondait (Ac 14.23 ; Tit 1.5). En attendant que cela soit fait, il s’occupait lui-même des tâches pastorales, que cela soit en personne ou par ses lettres.

Deux questions pour ceux ayant le profil entrepreneurial

Si vous êtes tentés d’implanter une église à cause de votre désir d’assouvir votre esprit entrepreneurial ou parce que vous aimez les nouveaux défis, vous serez vulnérables à certains dangers particuliers. Voici quelques questions que vous devriez considérer avant de vous lancer dans une telle démarche.

Pourquoi désirez-vous implanter une Église ?

Les entrepreneurs surveillent les bonnes occasions dans les failles du marché. Ils perçoivent les besoins non comblés, les demandes inexploitées, et ils trouvent un moyen d’y répondre. Pour certains, les raisons derrière ces failles sont moins importantes que le fait qu’il y ait une faille à exploiter. Un journaliste d’un journal américain bien connu a décrit l’entrepreneur comme étant un individu poussé par « un désir fondamental qui est indépendant de tout produit, service, industrie ou marché ». Les entrepreneurs ne sont pas nécessairement plus attirés par un produit que par un autre. Ils aiment surtout avoir l’occasion de démarrer quelque chose en terrain inconnu.

Cette intention ne sera toutefois pas suffisante pour l’implantation d’une Église saine. Vous devriez plutôt être motivé par votre amour pour les Églises locales et les responsabilités liées à la direction d’une Église. Si votre motivation principale vous provient de votre excitation à démarrer une nouvelle entreprise, vous aurez probablement de la difficulté à accomplir les tâches moins excitantes dont l’Église aura besoin à long terme, mais qui font partie intégrante du ministère pastoral.

Vous devrez être attentif au moindre détail de la vie des gens. Il se peut que cela soit très long avant de voir du progrès dans leur vie, et il se peut qu’ils ne soient pas aussi réceptifs à vos conseils que vous le souhaiteriez. Cependant, c’est à cela que ressemble le travail pastoral dans une Église saine. Votre persévérance et votre vision à long terme, si Dieu le permet, produiront les plus beaux fruits dans la vie des gens sous votre charge ; c’est aussi ce qui vous apportera le plus de joie.

Pourquoi votre nouvelle Église est-elle indispensable ?

J’ai dit plus tôt que les entrepreneurs surveillent les bonnes occasions dans les carences du marché. Ils développent des produits qui ne sont pas encore sur le marché pour pouvoir les offrir ensuite. C’est aussi ce qui se produit lors de l’implantation d’une Église. Cependant, nous devons être prudents lorsque nous identifions la carence observée et le produit que nous désirons offrir.

Il n’y a qu’une seule bonne raison qui justifie l’implantation d’une nouvelle Église : une certaine zone géographique a besoin de plus d’Églises saines. Par « Église saine », je veux dire un rassemblement hebdomadaire où les gens peuvent entendre et répondre à la Parole de Dieu en des termes qui plaisent à Dieu ; une Église qui rend gloire à Dieu par la qualité de sa vie communautaire ; une assemblée possédant une culture où chaque personne s’engage à faire des disciples qui exerceront le ministère que Dieu leur a confié. Ce que les Églises saines ont en commun, peu importe où l’on regarde dans le temps et dans l’espace, les rapproche bien plus que les différences propres à chacune.

Si la faille que vous voulez combler est plus précise que le modèle général d’une Église en bonne santé, ou si cela touche plutôt une nouvelle approche du ministère, vous donnez sans doute trop d’importance à des choses que la Bible n’a pas prescrites ou que Dieu n’a pas promis de bénir. Si votre but est d’établir une nouvelle Église sans tenir compte de l’autre Église qui se trouve sur la même rue, vous risquez de semer la division.

Il se peut que vous soyez aussi tenté de vous voir comme étant le seul produit pouvant répondre aux besoins du marché, la solution à la demande inexploitée. Certains dictionnaires définissent l’entrepreneur comme « un organisateur spécialisé dans l’industrie du divertissement ». Je crois que c’est ce sens qui se cache sous la surface lorsque nous insistons pour dire qu’un implanteur d’Église est aussi un entrepreneur. Cela veut dire que nous croyons peut-être qu’une Église en implantation a besoin d’une personne ayant une certaine renommée ou une personnalité charismatique pour être le visage de l’Église.

Dans tous les cas, si vous êtes le produit que vous décidez de promouvoir, vous vous dirigez vers un échec. Si vous échouez, vous ne pourrez blâmer personne, et si votre Église prend de l’ampleur à cause de vous, cela voudra dire qu’elle n’a pas été construite pour être une communauté centrée sur la Parole. Vous recevrez la gloire, alors qu’elle devrait être rendue à Dieu.

Le mérite du succès de n’importe quelle implantation d’Église est comme un jeu à somme nulle. Après tout, si nous sommes de fidèles implanteurs d’Église, nous devons être d’accord avec Jean-Baptiste : « Il faut qu’il croisse, et que je diminue » (Jn 3.30).

 

Cet article est une traduction de l’article anglais « Church Plants Need Pastors, Not Entrepreneurs » du ministère 9Marks par David Cadotte.