L’expiation : une théologie controversée (Kevin DeYoung)

La doctrine de l’expiation limitée — de la rédemption particulière ou encore de l’expiation définie, comme je l’appellerai — est la moins affirmée et la plus difficile à comprendre des cinq points des Canons de Dordrecht (1619). Il est par conséquent tentant de l’écarter, la considérant comme moins importante que les autres, ou sans doute ne nécessitant pas d’être mise en valeur ou soutenue. Ce serait pourtant une erreur. La doctrine de l’expiation définie est extrêmement importante dans notre théologie et pour notre adoration. En fait, j’oserais même affirmer qu’elle représente une partie si essentielle du système biblique enseigné par Dordrecht que sans le L qui la désigne dans l’acronyme TULIP, la fleur tout entière dépérirait. Car, comme nous le verrons, la doctrine ne porte pas uniquement sur l’étendue de l’expiation, mais aussi sur sa nature. Le Fils de Dieu est-il mort pour rendre le salut simplement possible ou pour sauver des gens ? C’est là, littéralement, que se trouve l’essentiel de la question.

L’importance du débat

Le débat ne consiste pas qu’en quelques querelles théologiques particulières. Le comment et le pourquoi de l’adoration sont en jeu. Une mauvaise théologie conduit au désespoir, et une théologie orgueilleuse au dédain. Mais si elle est réformée, humble et sincère, elle devrait toujours conduire à la doxologie. Dans l’article 9 du deuxième point des Canons de Dordrecht, nous lisons qu’une Église qui est façonnée par l’expiation définie est une Église qui « aimera constamment son propre Sauveur, qui pour elle, comme un époux pour son épouse, a donné sa vie sur la croix » (article 9). Attention à la confidence suivante : c’est bien vers cela que nous nous dirigeons et c’est pour cette raison que cette doctrine a autant d’importance. Oui, nous voulons que notre théologie soit exacte, mais plus encore, nous voulons donner au Christ toute la louange qu’il mérite.

Miséricorde et justice se rencontrent (articles 1 et 2)

Article 1 : Le châtiment que la justice de Dieu exige

Dieu n’est pas seulement souverainement miséricordieux, mais aussi souverainement juste. Or sa justice requiert (selon qu’il s’est révélé dans sa Parole) que nos péchés commis contre sa Majesté infinie soient punis non seulement de peines temporelles, mais aussi de peines éternelles, dans le corps et dans l’âme, peines que nous ne pouvons éviter que s’il est satisfait à la justice de Dieu.

Article 2 : La satisfaction apportée par le Christ

Or, puisqu’il n’est point en notre puissance de satisfaire la justice de Dieu par nous-mêmes, ni de nous délivrer de la colère de Dieu, Dieu, par sa miséricorde immense, nous a donné pour garant son Fils unique, qui a été fait péché et malédiction sur la croix pour nous ou à notre lace, afin de satisfaire la justice de Dieu pour nous.

Les écrits de Dordrecht commencent en replaçant la controverse théologique dans le contexte plus large de l’histoire de la rédemption. Avant de pouvoir parler de la nature ou de l’étendue de l’expiation, nous devons nous rappeler pourquoi celle-ci est nécessaire. À cette fin, à Dordrecht on a basé la discussion sur le besoin de satisfaction divine. Curieusement, et bien que le deuxième point de Dordrecht soit généralement appelé expiation limitée ou définie, le mot expiation n’apparaît nulle part dans ces neuf articles. Cela ne veut pas dire que nous avons tort d’utiliser ce mot. Cela signifie néanmoins que Dordrecht n’avait pas pour but premier de trouver de quelle manière réconcilier deux parties aliénées, mais plutôt de quelle façon la justice de Dieu peut être satisfaite.

Pourquoi l’expiation est-elle nécessaire ?

C’est un point de départ essentiel. Certains chrétiens contemporains voient davantage en la croix l’expression d’un amour qui se donne que l’accomplissement d’un sacrifice suffisant pour satisfaire la justice. Bien sûr, si nous détenons une bonne connaissance de la Bible, nous voudrons affirmer que les deux sont vrais. La croix nous parle à la fois d’amour et de justice, c’est pourquoi les auteurs de Dordrecht ont sagement commencé l’article 1 en affirmant que « Dieu n’est pas seulement souverainement miséricordieux, mais aussi souverainement juste. » Nous ne voulons en aucun cas minimiser l’amour de Dieu à la croix. Et pourtant, nous ne pouvons le comprendre à moins que nous ne reconnaissions que Dieu a envoyé son Fils, par amour, pour être le sacrifice de propitiation qui satisfait sa colère contre nos péchés (1 Jn 4.10).

Nous méritons le châtiment — temporel et éternel, à la fois dans notre corps et dans notre âme (article 1). Ce n’est qu’en apaisant la colère de Dieu et en satisfaisant sa justice que nous pouvons échapper à cette peine. Cela signifie que notre seul espoir se trouve dans le Fils unique de Dieu, « qui a été fait péché et malédiction sur la croix pour nous ou à notre place » (article 2). Le problème commun à tout le monde est le péché, et le seul remède est la mort sacrificielle du Christ sur la croix. Il a été condamné à ma place et de son sang il a scellé mon pardon. Alléluia, quel grand Sauveur [1] !


[1]
 Tiré
de l’hymne « Alléluia, quel grand Sauveur ! », écrit par Philip P. Bliss en
1875, Philippe Viguier, trad., 2016.

Cet article est tiré du livre : La grâce définie et défendue de Kevin DeYoung