L’Évangile selon Jean et le temple (James B. Jordan)

L’aspect « commentaire sur le temple » de l’Évangile de Jean n’est pas anecdotique. Il s’agit plutôt d’une affirmation profonde sur la nature de la vision biblique du monde. En Christ, l’ordre social et cosmique tout entier est renouvelé. Un autre point qu’il convient de souligner est le suivant : l’Évangile selon Jean n’est pas seulement un commentaire sur le Tabernacle. Jean commente également les différentes fêtes de l’Ancien Testament et sur d’autres sujets. Le Tabernacle n’est qu’une dimension, une couche de son Évangile. En gardant cela à l’esprit, faisons un bref survol des éléments relatifs au Tabernacle.

Jean commence en Jean 1.14 en affirmant que « la Parole s’est faite chair, qu’elle a tabernaclé parmi nous, et que nous avons contemplé sa gloire, la gloire comme celle du fils unique venu du Père, pleine de grâce et de vérité. » La référence à la gloire renvoie à la gloire sous forme de nuée qui remplissait le Tabernacle et qui y trônait.

Jean commence là où le prêtre commençait, avec la cuve de purification. Le prêtre s’y lavait lui-même et lavait le sacrifice avant de l’offrir. Jésus est à la fois le prêtre et le sacrifice, celui qui lave ses sacrifices vivants, l’Église. Ainsi, Jean 1:18-34 concerne le baptême de Jean, le précurseur. En Jean 2.1-11, lors d’un mariage, Jésus prend de l’eau dans « six vases en pierre destinés à la coutume juive de la purification » (2.6), et la transforme en vin. En Jean 2.13-25, Jésus purifie le temple. En Jean 3.1-21, Nicodème engage avec Jésus une discussion au sujet de la nouvelle naissance « d’eau et d’Esprit ». En Jean 3.22-36, le baptême de Jean conduit à une discussion sur la purification et sur le fait que Jésus est l’époux. En Jean 4.1-42, Jésus se présente comme l’époux à une Samaritaine qui est au bord d’un puits. En Jean 4.46-54, Jésus ramène à la vie un garçon mourant, à Cana de Galilée, où il avait transformé́ l’eau en vin (4.46-54). En Jean 5.1-47, Jésus guérit un homme à la piscine de Bethesda, et engage une discussion avec les Juifs au sujet de la résurrection. Ceci conclut la section de Jean au sujet de l’eau, de la purification, du baptême, de la résurrection, et du Christ en tant qu’époux.

Jean aborde ensuite le sujet des pains de proposition. En Jean 6, Jésus nourrit cinq-mille hommes, s’identifie comme le pain de vie et dit aux gens qu’ils doivent manger sa chair et boire son sang (v.53). En Jean 7, Jésus se présente comme le « breuvage de vie » (v.37), rappelant les libations qui accompagnaient les pains de proposition et les offrandes de céréales.

Vient ensuite le chandelier. En Jean 8, Jésus se présente comme la lumière du monde. En Jean 9, Jésus guérit un aveugle. En Jean 10, Jésus se présente comme le bon berger. Le lien entre le chandelier réside dans le fait que David était le bon berger de l’Ancienne Alliance, et la Bible parle à plusieurs reprises de David comme d’une lampe (2 Samuel 21:17 ; 1 Rois 11:36; 15:4 ; 2 Rois 8:19 ; 2 Chroniques 21:7). Il existe un parallèle conceptuel entre une lampe qui brille dans un endroit sombre et la voix du berger entendue par les brebis. En Jean 11, Jésus ressuscite Lazare, expliquant qu’il s’agit de le réveiller de l’obscurité et du sommeil, à la lumière et au jour (11.9-11). En Jean 12, Jésus affirme que ceux qui n’avaient pas cru en lui étaient aveugles, mais que ceux qui ont cru deviendront des fils de lumière (12. 35-41).

À partir de Jean 13, nous passons en revue ces éléments une deuxième fois. Jésus lave les pieds de ses disciples (13.1-20), rompt le pain avec eux (13.21-30), et aborde la question de l’Esprit saint, archétype ultime des sept chandeliers du Tabernacle (Jean 14-16). Après cela, Jésus accomplit la prière sacerdotale sur l’autel des parfums (Jean 17).

La crucifixion et la mort de Jésus ont impliqué́ un double mouvement en ce qui concerne le Tabernacle. Le sacrifice a été accompli sur l’autel dans la cour, à l’extérieur du Tabernacle. Le jour de l’expiation, le Grand Prêtre apportait le sang dans le lieu très saint et le présentait devant le trône de Dieu (Lévitique 16:15). De même, nous voyons l’Agneau de Dieu être sacrifié à l’extérieur de la porte, et il présente sa mort devant le trône du Père (Hébreux 9:7, 23-26). Sous la loi, lorsque le grand prêtre revenait du lieu très Saint encore vivant, c’était un signe que Dieu avait accepté́ le sacrifice. La résurrection de Jésus accomplit ce type. De même, lorsque le souverain sacrificateur offrait le sacrifice au jour des expiations, il mettait de côté ses vêtements de gloire et de beauté et portait un simple vêtement de lin. De même, lorsque Pierre est entré dans le tombeau, “il vit les vêtements de lin qui étaient là” (Jean 20:6), parce que Jésus avait remis ses vêtements de gloire et de beauté (Lévitique, 16:4, 23-24). Lorsque Marie-Madeleine regarda dans le tombeau, “elle vit deux anges blancs assis, l’un à la tête, l’autre aux pieds, où le corps de Jésus était couché” (Jean 20, 12).

Arthur Pink commente :
« Qui peut douter que le Saint Esprit veuille nous faire associer ce verset à Exode 25:17-19: Tu feras deux chérubins d’or, tu les feras d’or battu, aux deux extrémités du propitiatoire. »

Le tombeau fermé par la grande pierre ne formait qu’un seul et même lieu très saint, d’autant plus que c’est là qu’était placé le Verbe incarné. À l’extérieur de ce tombeau se trouvait un jardin (Jean 19.41), un rappel du jardin-sanctuaire du Tabernacle. Lorsque Marie-Madeleine vit Jésus, elle l’a reconnu à juste titre comme le nouveau jardinier, le nouvel Adam (Jean 20, 15). Marie-Madeleine, restaurée de ses sept démons (Marc 16.9), symbolise l’Église, la nouvelle Ève.

Mais Jean n’en a pas fini avec ses motifs édéniques. Comme Dieu a insufflé la vie à Adam en Genèse 2.7, Jésus insuffle la vie à ses apôtres (Jean 20.22). De même qu’Adam, nu, s’est caché́ dans le jardin, Pierre, nu, s’est caché́ dans la mer jusqu’à ce que Jésus le rétablisse (Jean 21,7). De même qu’Adam nommait les animaux, Pierre et le reste des disciples sont chargés de garder et de nourrir les brebis du Christ (21:15-17).

Ainsi, notre Seigneur s’est enveloppé dans le vêtement de l’ancienne création, et par sa mort et sa résurrection, l’a créée à nouveau.


L’extrait qui suit est tiré du livre de James B. Jordan Through New Eyes: Developing a Biblical View of the World, les pages 267-269. Jordan y fait la démonstration que l’évangile selon Jean est structuré selon l’ordre de l’expérience cultuel des saints de l’ancienne alliance au temple. Traduction libre de Georges-Émile Durand.