Les cinq points du calvinisme et votre réunion du dimanche matin (Matt Merker)

C’est l’hiver, ce qui veut dire que chaque après-midi, je me prépare une tasse de thé chaud. Il doit être fort. S’il n’infuse pas assez longtemps, ce n’est que de l’eau brune.

Les meilleurs services d’adoration sont comme une tasse de thé bien infusé. Ils dégagent le riche arôme de la vérité biblique qui exalte Christ.

L’adoration collective pourra soit nuire à notre santé spirituelle ou la favoriser

Après tout, l’adoration collective à la fois reflète et renforce notre théologie. D’un côté, ce qui se produit quand l’Église se rassemble le dimanche matin tire sa source de nos convictions doctrinales fondamentales : notre théologie « aromatise » cette rencontre, comme le sachet de thé qui transforme l’eau en thé. D’un autre côté, l’adoration collective nous forme en tant que croyants. Si elle n’est pas biblique, elle peut nous déformer. Mais si elle l’est, elle devrait nous transformer continuellement à l’image de Christ. Pour donner suite à mon analogie du thé (commencez-vous à avoir soif ?), ce que nous « buvons » lors de l’adoration collective pourra soit nuire à notre santé spirituelle ou la favoriser.

Il est donc impératif que ceux d’entre nous qui adhèrent à une doctrine du salut réformée, ou « calviniste », prennent le temps d’examiner leur adoration collective : reflète-t-elle la sotériologie que nous professons ? Les extraordinaires doctrines de la grâce ont-elles suffisamment infusé nos rencontres ?

Les cultes des Églises qui se reconnaissent comme réformées doivent refléter des priorités réformées

Dans leur récent livre, Lovin’ On Jesus: A Concise History of Contemporary Worship (Aimer Jésus : une brève histoire de l’adoration contemporaine), les auteurs Swee Hong Lim et Lester Ruth prouvent que la majorité de ce qui se passe dans les cultes évangéliques d’aujourd’hui trouve ses racines dans deux endroits : le pentecôtisme des années 60 et 70 ainsi que le mouvement pour la croissance des églises des années 80 et 90. Il y a évidemment des exceptions notables — un article entier serait nécessaire pour détailler les implications de cette histoire. Mais s’ils ont raison (et je crois que c’est le cas), il se peut fort bien que certains présupposés pentecôtistes et pragmatiques aient élu domicile dans nos services d’adoration. Oui, nous avons beaucoup à apprendre des autres traditions théologiques. Cependant, les cultes des Églises qui se reconnaissent comme réformées doivent refléter des priorités réformées.

Si nous prétendons adhérer aux doctrines de la grâce, nos rencontres hebdomadaires le confirment-elles ? Examinons les cinq points du calvinisme et discutons de la manière par laquelle chacun d’eux peut et doit façonner notre adoration collective.

La corruption totale

Les humains sont « enclins au mal, morts dans le péché et esclaves du péché […] [Ils] ne veulent ni ne peuvent retourner à Dieu » (Canons de Dordrecht, III.3; voir Ps 51.5 ; Ép 2.1-3). Croyons-nous cela ? Si oui, nos cultes d’adoration devraient le refléter. Nous glorifions Dieu lorsque nous aidons les croyants à saisir la profondeur de la dépravation de laquelle nous avons été sauvés. C’est une preuve d’amour envers les non-croyants de leur exposer honnêtement l’état déréglé de leur cœur.

Autrement dit, notre but principal dans l’adoration collective ne devrait pas être de donner un vague élan d’inspiration ou une dose de pensées positives. Nous devons plutôt viser à exalter ce Sauveur qui a vaincu notre trahison incommensurable contre lui.

La prière de confession

Nous pouvons, par exemple, montrer la réalité de la dépravation dans l’adoration collective par une prière de confession. Le Westminster Directory for Public Worship (Répertoire d’adoration publique de Westminster, 1645) encourage le pasteur à utiliser ce genre de prière chaque dimanche « pour que ses auditeurs saisissent dans leur cœur la portée réelle de leurs péchés, afin qu’ils soient contrits devant le Seigneur et qu’ils aient faim et soif de la grâce de Dieu en Jésus-Christ » (traduction libre).

Récemment, un frère de mon Église a fait cette prière de confession : « Seigneur, non seulement nous ne pouvions pas te servir dans notre péché, mais nous ne l’aurions même pas voulu si nous en avions été capables. » En priant avec lui, j’ai été bouleversé, stupéfait et convaincu de mon péché — mais quel réconfort de savoir que Dieu a vaincu ma rébellion par Christ!  

Certains seront d’avis qu’une prière de confession rebutera les visiteurs non croyants qui la trouveront trop négative ou déprimante. Je suis d’un autre avis, pour deux raisons. Premièrement, même si cette objection était fondée, la Bible nous appelle à prioriser l’édification du peuple de Dieu lors de nos cultes, pas le confort des visiteurs (voir 1 Co 14). Mais en fait — et c’est la deuxième raison —, les non-croyants qui visitent mon église nous remercient d’utiliser une prière de repentance chaque semaine : « Enfin, une rencontre d’église où tout le monde avoue qu’ils ont autant de problèmes que moi. »

Autres suggestions : 

  • Lisez les dix commandements avec votre Église. Exposez la loi de Dieu à tous et montrez-leur que même si nous sommes incapables de lui obéir, Christ nous offre sa miséricorde.
  • Chantez des hymnes qui traitent honnêtement du problème du péché, qui exaltent la grandeur de ce que Christ a fait pour nous pardonner, et qui invitent les croyants et les non-croyants à la repentance.
  • Lisez et chantez de façon régulière des psaumes de pénitence, comme le Psaume 51 et le Psaume 130.

L’élection inconditionnelle 

Dieu a décidé de sauver des gens qui ne le méritaient pas « par pure grâce », sur l’unique base de son « bon plaisir » (Canons de Dordrecht,I.7 ; voir Ép 1.3-6). Cette doctrine sous-entend que Dieu prend l’initiative dans toutes ses interactions avec nous, y compris dans notre adoration. Elle est un don que nous offrons à Dieu : mais c’est lui-même qui en est la source (Ép 2.10).

Nous pouvons, par exemple, reconnaître cette initiative pleine de grâce de la part de Dieu en ajoutant un appel scripturaire à l’adoration au début de nos réunions. Cette simple pratique témoigne subtilement le fait que c’est Dieu qui se révèle à nous et qui nous appelle à être réconciliés avec lui.

Si nous croyons que Dieu, dans sa miséricorde, a librement choisi de délivrer un peuple, une prière d’adoration substantielle a sa place dans nos réunions. Je trouve étrange d’assister à un culte soi-disant réformé lors duquel on effectue seulement une ou deux prières superficielles. La prière d’adoration nous aide à combiner la doxologie et la théologie. Loin d’être un monologue insipide qui ressasse des vérités alourdies de jargon, cette prière se doit d’être une vibrante proclamation des attributs de Dieu, de ses perfections et de ses œuvres — comme le montrent tant de psaumes d’adoration.

Autres suggestions : 

  • Prenez un moment de silence avant ou après une prière ou la lecture d’un passage biblique afin d’aider les croyants à méditer sur la transcendance de Dieu.
  • Analysez les paroles des chants que vous chantez le plus souvent. Contiennent-ils surtout de l’adoration déclarative (p. ex. « Saint, saint, saint est le Seigneur », « À toi le Roi immortel, à toi le Roi invisible, à toi Dieu seul sage »), ou alors notre réponse à Dieu est-elle le point de mire (p. ex. « je t’adore », « nous chantons », « nous regardons à toi ») ? Ces deux types d’adoration sont bibliques et importants, mais le premier doit constituer le plat principal, et le deuxième, le dessert. Si nos chants parlent plus souvent de nous que de Dieu, on ne peut pas qualifier notre adoration de « centrée sur Dieu ».

La rédemption particulière

Christ est mort pour son peuple choisi, l’Église (Ép 5.25) : voilà la gloire de la doctrine de la rédemption particulière. Ceux qui sont élus par le Père, ceux qui sont sauvés par le Fils et ceux à qui l’Esprit accorde les bénéfices de l’œuvre de Christ sont les mêmes personnes.

Par conséquent, les pasteurs réformés doivent viser à contrecarrer la tendance individualiste de l’adoration évangélique. Un service d’adoration n’est pas un concert où une foule de gens anonymes aux goûts similaires partagent une expérience dans une salle aux lumières tamisées. Au contraire, c’est la réunion d’une famille née de l’alliance dont les membres, quoique différents de mille manières, se connaissent et aiment le même Sauveur.

Autrement dit, dans un service réformé, l’Église — l’épouse pour laquelle Jésus est mort — est, d’une certaine façon, visible pour elle-même. Nous pouvons, par exemple, souligner cette réalité en mettant l’accent sur la nature collective des sacrements. Le baptême n’est pas qu’une étape du parcours individuel d’un disciple ; le repas du Seigneur n’est pas un tête-à-tête privé avec Jésus. Lors du baptême, le croyant reçoit le nom de sa famille. Le repas du Seigneur est le moment où les croyants s’assoient ensemble pour manger en famille. Si votre Église possède un code de vie pratique (« church covenant ») ou une déclaration de foi, vous pourriez la faire lire (en entier ou en partie) par les membres pendant la préparation du repas du Seigneur, pour réaffirmer leur engagement les uns envers les autres.

De la même façon, les Églises réformées gagneront à tenir compte d’Éphésiens 5.19, où Paul nous exhorte à nous entretenir les uns les autres par le chant. L’adoration est l’une des façons par laquelle nous édifions le corps de Christ. Nous devons choisir des chants qui permettent aux chrétiens de s’encourager mutuellement. Nous devons enseigner que, même si nos chants sont premièrement dirigés vers Dieu, ils constituent également une partie du ministère personnel de chaque croyant envers l’Église entière.

Autres suggestions : 

  • Ne tamisez pas les lumières pendant le service. Ainsi, vous lutterez contre la mentalité du divertissement et permettrez aux membres de l’Église de se voir les uns les autres.
  • Pendant les chants, faites régulièrement des intermèdes a cappella pour que la voix des rachetés soit le centre d’attention.

La grâce irrésistible

Quand Dieu nous ramène à la vie, le Saint-Esprit « pénètre jusqu’au tréfonds de l’homme, ouvre le cœur qui est fermé, amollit celui qui est dur, circoncit [le] cœur » (Canons de Dordrecht, III/IV.11). Comment ? Par sa Parole. Quand Dieu parle, sa Parole ne retourne pas à lui sans effet (És 55.11).

C’est la raison pour laquelle le culte d’une église réformée doit être imprégné de la Bible. Nous devons donc nous appliquer à la lecture publique de la Parole (1 Ti 4.13) et prêcher la bonne nouvelle avec fidélité. Dieu seul change les cœurs.

À la lumière de cela, je trouve ironique que — selon mes observations — l’un des traits caractéristiques des réunions orientées vers les personnes en recherche spirituelle, ou des cultes dits « attractionnels », est de consacrer moins de temps à expliquer la Bible et davantage à d’autres activités supposément pertinentes comme des sketches ou de la musique spéciale. Il existe une énorme différence entre rendre nos réunions compréhensibles pour les non-croyants (un but honorable, voir 1 Co 14.23-25) et priver ceux-ci de la Parole — le moyen que Dieu utilise habituellement pour sauver.

Nous pouvons leur offrir une chose meilleure que des sentiments agréables : l’Évangile, par lequel Dieu ramène les morts à la vie. Dans le Westminster Directory of Public Worship (Répertoire d’adoration publique de Westminster), un grand groupe de calvinistes du xviie siècle (dont plusieurs sont nos héros théologiques) invitaient les Églises à lire un chapitre entier de l’Ancien et du Nouveau Testament chaque dimanche : un défi de taille, de nos jours. Mon Église ne suit pas cette recommandation à la lettre, mais je crois qu’on peut facilement développer le goût d’entendre la lecture de longs passages bibliques, surtout quand les lecteurs sont doués. Ligon Duncan a dit :

« Faites de la lecture publique de la Parole un évènement. »

Lisez avec l’attente que Dieu utilisera sa Parole pour transformer les gens — et vous serez peut-être surpris de découvrir que les gens écoutent.

Autres suggestions :

  • Priorisez la prédication textuelle. Montrez toujours les liens entre le texte et Christ.
  • Chantez des psaumes régulièrement. La musique facilite la mémorisation de la Parole efficace de Dieu.

La persévérance des saints

Mon ami Matthew Westerholm soutient que les pasteurs et les leaders de louange manquent de vision lorsqu’ils croient que la réunion du dimanche sert surtout à aider les chrétiens à « passer à travers la semaine ». Nous devons adopter une perspective plus large : nous préparons des pèlerins pour l’éternité.

La doctrine de la persévérance protège l’assurance biblique selon laquelle personne ne nous ravira de la main de Christ (Jn 10.28). Ceux qu’il a appelés, il les gardera jusqu’à la fin (Jud 1,24). Cependant, nos prédécesseurs calvinistes comprenaient aussi que Dieu utilise des moyens pour nous protéger :

« Et de même qu’il a plu à Dieu de commencer en nous son œuvre de grâce par la prédication de l’Évangile, de même il la conserve, la poursuit et l’accomplit par l’écoute, la lecture, les exhortations, les menaces et les promesses de ce même Évangile, aussi bien que par l’usage des Sacrements » (Canons de Dordrecht, V.14).

Il nous faut donc organiser nos rencontres du dimanche avec l’objectif d’aider les croyants à persévérer jusqu’à la fin. L’adoration contribue à la formation de disciples. Au travers des différents éléments de notre culte, nous nous dotons mutuellement d’une vision du monde centrée sur Dieu. Cette dernière est indispensable à notre survie en tant que voyageurs sur la terre, en lutte contre le monde, la chair et le diable.

Concrètement, nous devons aborder la réalité de la souffrance. Chantez dans une tonalité mineure de temps à autre. Utilisez une prière pastorale de lamentation : non seulement nous pouvons prier pour toutes sortes de besoins (1 Ti 2.1 ; 1 Pi 5.7), mais une telle prière montre que même des chrétiens authentiques et fidèles peuvent vivre de la douleur.

Les membres de nos Églises ont besoin de beaucoup plus qu’un spectacle de 75 minutes. Ils doivent rencontrer le Dieu souverain qui est assez puissant pour être leur guide à travers la vallée de l’ombre de la mort.

Autres suggestions :

  • Chantez des hymnes et lisez des passages qui aideront les croyants à attendre avec impatience les nouveaux cieux et la nouvelle terre.
  • Utilisez le repas du Seigneur pour rappeler non seulement l’œuvre passée de Jésus, mais aussi le souper des noces de l’Agneau qui est encore à venir.
  • Incluez des prières, des lectures de passages bibliques et des chants qui déplorent l’état misérable du monde et qui soupirent après le règne de justice de Christ.

Conclusion

Finalement, chers pasteurs, prenez courage. Les vérités mentionnées plus haut nous rappellent que Dieu n’approuve pas nos efforts et ne les rend pas féconds seulement parce que nos cultes d’adoration sont infusés du riche arôme de la théologie réformée. Il glorifiera son nom malgré nos erreurs, nos imperfections et notre faiblesse. C’est pourquoi nous pouvons planifier les réunions du dimanche avec confiance. Efforçons-nous d’être fidèles, mais gardons la certitude que c’est le dessein bienveillant de Dieu qui prévaudra.