L’engagement formel favorise l’engagement informel (Mark Dever & Jamie Dunlop)

Quelle différence cela fait-il de s’engager de manière formelle ? La Bible considère manifestement l’engagement informel comme étant essentiel ; comment donc la formalité que constitue la décision de devenir membre contribue-t-elle à une culture d’engagement informel entre les membres d’Église ? Ou, pour reformuler la question dans les mots de Kaitlin, comment un morceau de papier peut-il m’aider à mieux aimer mon Église ? Je vous propose trois réponses.

1. L’engagement formel sert à réitérer l’engagement informel.

 Pour mieux le comprendre, considérons l’image du mariage et la façon dont Tim Keller décrit la mise en pratique conjugale de cette vérité : Mais quand la Bible parle d’amour, son unité de mesure principale n’est pas la quantité de ce que nous voulons recevoir mais celle que nous sommes prêts à donner. Combien sommes-nous prêts à perdre pour le bien de l’autre ? À quelle dose de liberté sommes-nous prêts à renoncer ? Quelle quantité de notre temps précieux, de nos ressources et de nos émotions sommes-nous prêts à investir pour l’autre ? C’est là que le serment du mariage nous aide. De plus, il nous sert de mise à l’épreuve. Dans bien des cas, quand l’un des deux dit : « Je t’aime, mais ne gâchons pas nos chances avec un mariage », il pense en réalité : « Je ne t’aime pas assez pour renoncer à tous mes privilèges. Je ne t’aime pas assez pour me donner à toi de façon aussi absolue ». Affirmer : « Je n’ai pas besoin d’un bout de papier pour t’aimer », revient à dire : « Mon amour pour toi n’a pas encore atteint le niveau du mariage. »

Même s’il existe de nombreuses discontinuités entre le mariage et le fait d’être membre d’une Église (devenir membre d’une Église ne « ferme pas la porte » à l’option de se joindre à une autre Église dans l’avenir, par exemple), les deux entités se ressemblent dans la manière dont les engagements formel et informel se soutiennent mutuellement. Si, en tant que chrétien, je prétends vouloir respecter tous les commandements bibliques que je suis appelé à mettre en pratique envers les autres membres de mon Église, mais que je refuse de m’engager de façon formalisée à le faire en devenant membre, quelle est la nature de mon engagement, au juste ? Pour reprendre le langage de Tim Keller, mon amour pour mon Église n’a pas encore atteint le niveau d’un membre. L’engagement formel permet de reconnaître ceux qui prennent la décision d’aimer leur Église comme le décrivent les Écritures et ceux qui n’ont pas encore fait le choix de véritablement suivre Jésus.

2. L’engagement formel rend l’engagement informel visible. 

Lorsque je dois décider d’acheter ou non un produit en ligne d’un vendeur qui ne m’est pas familier, je fais particulièrement attention à leur certification. Fait-il partie du réseau Amazon ? Est-il approuvé par VeriSign ? « Vérifié par Visa » ? L’engagement formalisé que ce vendeur a pris auprès de ces agents de patrouille en ligne me garantit que mes informations personnelles seront gérées avec soin. De même, mon engagement formel au sein d’une Église locale fait étalage des engagements informels que j’ai pris. Imaginons que vous alliez à la rencontre d’une personne que vous connaissez à peine dans votre Église et que vous lui annonciez : « Bonjour, j’ai remarqué que nous travaillons dans le même quartier ; ça vous dirait qu’on se retrouve un jeudi sur deux pour étudier le livre des Psaumes ensemble ? » Dans le « vrai » monde, elle vous regarderait d’un air suspicieux en se demandant si vous êtes un sociopathe. Mais puisqu’elle fait partie des membres de l’Église, votre requête n’est absolument pas étrange ; en devenant membres, vous vous êtes tous deux engagés à prendre soin les uns des autres. Il vous est donc possible de prendre un tel risque relationnel – la culture d’engagement de votre Église sert de filet de sécurité. L’engagement formel que vous prenez les uns envers les autres rend visible la présence d’un engagement informel ; ainsi, les relations peuvent se former et se développer plus rapidement.

3. L’engagement formel permet de « responsabiliser » l’engagement informel. 

Il arrive que l’engagement informel se révèle impuissant pour contrecarrer un péché dont un frère ou une sœur ne s’est pas repenti. Dans ce cas, il nous faut appliquer Matthieu 18.16 (« prends avec toi une ou deux personnes »), puis 18.17 (« dis-le à l’Église »). L’engagement formel joue ici le rôle de la barrière terrestre ultime que Dieu place pour nous empêcher de sombrer dans l’aveuglement. L’Église déclare ainsi à celui qui se dit chrétien : « À la vue du péché dans ta vie dont tu ne t’es pas repenti, nous ne pouvons être certains que tu sois réellement chrétien. » Une assemblée peut-elle appliquer la discipline d’Église sans avoir de membres ? Je suppose que oui ; toutefois, là où il n’existe pas d’engagement formel à vivre sous la discipline et l’autorité de l’Église, une situation d’ores et déjà difficile s’en verra exacerbée. À l’inverse, l’engagement formel protège la culture d’Église d’éventuels abus ; dans certaines Églises en effet, des enjeux de liberté chrétienne légitimes sont bafoués au nom de la « sagesse », et le discipulat tourne au culte de la personnalité. Dans l’Église locale, l’abus de pouvoir est rendu plus difficile lorsque nos responsabilités les uns envers les autres sont écrites noir sur blanc et discutées dans le cadre du processus pour devenir membre.

Voilà les trois manières dont l’engagement formel – le fait de devenir membre – soutient l’engagement informel entre les croyants. Pour le moment néanmoins, mettez de côté cette argumentation et pensez à votre propre Église. Si comme c’est certainement le cas, vous désirez y voir se développer une culture d’engagement, la question à laquelle il vous faut répondre est la suivante : dans quelle mesure le concept d’engagement formel de votre Église favorise ou entrave-t-il cette culture d’engagement informel ? Prenez le temps de réfléchir à ces questions :

• Lorsque quelqu’un se joint à votre Église en tant que membre (ou à travers d’un processus équivalent), est-il au clair sur l’engagement qu’il prend, sur ce qu’implique le fait d’être membre ?

• Votre congrégation sait-elle qui a pris cet engagement et qui ne l’a pas pris ? Ou bien les responsables sont-ils les seuls à le savoir ?

• Le fait de devenir membre change-t-il de manière pratique vos relations avec le reste de l’assemblée ? Ou bien est-il tout à fait possible de faire partie de votre communauté d’Église sans jamais prendre cet engagement requis par la Bible auprès des autres croyants ?

• Le fait de devenir membre crée-t-il un contexte favorable pour que les relations s’épanouissent ? Ou bien cela impacte-t-il très peu votre engagement envers l’assemblée ?

• Votre Église explique-t-elle clairement que devenir membre implique d’accepter de rendre des comptes et de se soumettre à la discipline de l’Église ? Ou bien cette responsabilité envers les autres membres et envers le corps de Christ n’est-elle jamais abordée ?

J’habite non loin du United States Botanic Garden, un sanctuaire de verre construit en 1933 pour abriter des plantes issues de climats chauds. En hiver, j’aime particulièrement m’y rendre avec ma famille pour passer de la froideur humide de la ville à la forêt tropicale de l’atrium. Les membres d’Église forment une telle serre : face au monde froid du dehors, ils établissent les conditions pour qu’existe un écosystème de relations riche et luxuriant à l’intérieur de l’Église. Il n’y a pas de raccourci : si vous voulez créer une culture de relations profondes et authentiques dans votre Église, il vous faudra d’abord une culture d’engagement – et pour développer cette dernière, vous devrez examiner attentivement les engagements que la Bible appelle les croyants à prendre dans le but d’être des participants actifs dans leur communauté d’Église.


Cet article est tiré du livre : Une communauté irrésistible de Mark Dever et Jamie Dunlop