L’Église, l’État et l’autorité de Jésus (Jonathan Leeman)

Imperium. J’ai découvert ce mot latin récemment. Ce n’est pas vraiment un mot à employer lors d’une conversation entre amis autour d’un café, sauf si vous désirez être ridiculisé pour avoir l’air un peu trop intelligent. Je pense néanmoins que c’est un mot utile. On l’obtient en changeant impérial (un mot un peu plus commun) en nom. Imperium signifie « pouvoir suprême ou domination absolue » ; il indique qui exerce l’autorité dans une société. Quelle est l’autorité à laquelle doivent répondre toutes les autres autorités ? Qui peut littéralement faire tomber des têtes sans menaces de représailles, parce que cela est compris dans la description de son poste ? Voilà qui exerce l’imperium.

César à Rome, ainsi que les rois à l’époque médiévale qui criaient inlassablement : « Coupez-leur la tête ! », jouissait de l’imperium. De nos jours, on dirait que l’État exerce l’imperium. Il n’y a aucune puissance supérieure à celle de l’État. C’est à l’État qu’incombe la responsabilité ultime de dire ce qui est permis ou non. Seul l’État a le pouvoir du glaive.

Pour démarrer une entreprise ou ouvrir une école, il nous faut l’autorisation de l’État. Il en va de même pour les clubs de foot, les syndicats et les organisations caritatives. Ils existent tous grâce à l’autorisation de l’État, et l’État les réglemente. Ils ne réglementent pas l’État. Ils n’ont pas l’imperium.

Qu’en est-il des Églises locales ? Existent-elles grâce à l’autorisation de l’État ? Sujet intéressant. En fait, la réflexion à ce sujet pourrait bien révolutionner nos idées actuelles sur l’Église locale et l’adhésion de ses membres.

JÉSUS DÉTIENT L’IMPERIUM

La plupart des citoyens de nos sociétés occidentales rangent les Églises dans la même catégorie que les clubs de foot ou les organisations caritatives. Les Églises sont un autre genre d’association bénévole, dit-on. Par ailleurs, on estime que les Églises sont des prestataires de services, comme un mécanicien qui s’occuperait de votre âme ou un préposé à une station-service qui ferait le plein de votre réservoir spirituel.

Les Églises locales seraient-elles donc des clubs ou des prestataires de services existant grâce à l’autorisation de l’État, des « fournisseurs » comptant sur la miséricorde du maître des lieux ? Il est vrai qu’en tant que chrétiens, nous devons nous soumettre à l’autorité de l’État. Mais n’oublions pas que l’État est à la fois « serviteur de Dieu » et son agent pour exercer le jugement (Ro 13.4). Certes, l’État a le « pouvoir du glaive », mais par délégation de Dieu seulement.

Il est également vrai que les Églises devraient respecter les lois du pays en matière de règlements et se conformer au code du bâtiment (si elles disposent d’un édifice) et au régime de taxation (si elles possèdent du personnel rémunéré). En ce sens, les Églises sont similaires à toute autre entreprise ou organisation.

Toutefois, une chose doit être claire dans l’esprit du chrétien : l’Église locale n’existe pas grâce à la permission de l’État. Elle existe en vertu de l’autorisation expresse de Jésus-Christ. Après tout, c’est Jésus qui exerce la souveraineté absolue, pas l’État.

Être chrétien, c’est savoir que Jésus est l’autorité ultime. Jésus est l’autorité à laquelle toutes les autres autorités doivent rendre des comptes. Jésus jugera les nations ainsi que leurs gouvernements. Il est le seul à détenir le pouvoir de vie et de mort. L’État existe grâce à la permission de Jésus, pas l’inverse. De manière générale, les États ne reconnaissent pas ce fait, bien sûr, mais les Églises connaissent la vérité à ce sujet (Jn 19.11 ; Ap 1.5 ; 6.15‑17).

Toute autorité, dans les cieux et sur la terre, a été donnée à Jésus, et il a donné à son Église l’autorité sur les peuples. Son Église avancera donc comme une armée que rien ne saurait arrêter. Les frontières des nations ne l’arrêteront pas. Les décrets des présidents et des premiers ministres ne l’arrêteront pas. Même les portes de l’enfer ne la freineront pas.

Jésus détient l’imperium.

NOUS DEVONS CHANGER NOTRE FAÇON DE PENSER

Au cas où nous serions tentés de surestimer le pouvoir de l’État, savoir que Jésus exerce l’ imperium devrait nous aider à relativiser les choses. L’État n’est qu’un agent auquel il a confié un mandat précis.

Savoir que l’imperium appartient à Jésus devrait néanmoins avoir l’effet inverse sur notre vision de l’Église locale. Celle‑ci est également l’un des agents de Christ ; il lui a donné une autorité que nous n’avons pas de manière individuelle, en tant que chrétiens. Cela a des conséquences radicales pour l’Église locale et les membres de l’Église.

Si vous êtes un chrétien qui vit dans une démocratie occidentale, il y a de fortes chances que vous ayez besoin de changer votre façon de penser concernant votre Église et ce qui vous lie à elle. Il est très probable que vous sous-estimiez votre Église. Vous la dépréciez. Vous la déformez d’une façon qui déforme votre christianisme.

Nous avons tous réfléchi à l’Église locale et à l’adhésion de ses membres de la mauvaise manière. C’est comme si nous avions considéré notre famille immédiate (père, mère, enfants) comme une entreprise. Permettez-moi de vous le dire : ce n’est pas une entreprise ; c’est une famille ! Mettons-nous donc à la traiter différemment.

Nous traitons donc l’Église locale comme un club auquel on adhère – ou pas. Cette supposition nous pousse à mener nos vies chrétiennes en gardant une certaine distance vis-à-vis de l’Église locale, quand bien même nous en devenons membres : « Bien sûr, je suis membre, mais pourquoi demanderais-je à l’Église de m’aider à réfléchir à cette offre d’embauche ? »

Comprenez-moi bien. Je ne montre personne du doigt. Mon instinct culturel me pousse à faire les mêmes choses que tout le monde. J’avoue que je veux aussi agir comme bon me semble. Je veux éviter d’être responsable d’autrui.

L’AUTORITÉ SUPRÊME SUR TERRE

Qu’est-ce que l’Église locale ? Jésus a institué l’Église locale et lui a donné l’autorité sur terre de confirmer et de façonner officiellement ma vie chrétienne et la vôtre.

Tout comme Jésus a institué l’État, il a institué l’Église locale. C’est une autorité institutionnelle, parce que Jésus l’a
instituée avec autorité. Je fais de mon mieux, ici, pour éviter d’aborder la relation entre l’Église et l’État, mais voici ce que l’on doit comprendre si l’on veut changer de paradigme relativement à l’adhésion à l’Église :

Selon la Bible, le gouvernement de votre pays est l’autorité suprême sur terre en ce qui a trait à votre citoyenneté ; de même, l’Église locale est la plus haute autorité sur terre à l’égard des disciples de Christ et de votre citoyenneté actuelle et future en Christ.

Jésus a institué l’État en lui donnant le pouvoir du glaive. En bref, cela signifie que chacun doit être soumis à l’État (sous l’autorité de la Parole de Dieu). Par conséquent, cela veut dire que l’État dispose du mécanisme nécessaire pour établir les structures de base de la société, comme de décider qui est publiquement reconnu en tant que citoyen.

De même, Jésus a institué l’Église locale en lui donnant le « pouvoir des clés ». Autrement dit, elle peut retirer à une personne son appartenance à l’Église (sous l’autorité de la Parole de Dieu). En conséquence, cela signifie qu’elle dispose du mécanisme nécessaire pour établir les structures de base de la vie dans le royaume, comme de décider qui est publiquement reconnu en tant que citoyen.

CHERCHER LES BONNES CHOSES

Au lieu de partir du fait que l’Église ressemble à une association bénévole, nous devons penser à elle comme au regroupement des citoyens d’un royaume ou d’un pays. Voyez-vous ce que je veux dire lorsque j’affirme que l’on doit considérer l’Église comme une famille plutôt qu’une entreprise ? Quand les gens demandent : « Où voit-on adhésion dans la Bible ? », ils pensent à l’adhésion à un club, car le mot adhésion est associé au club. Les clubs, les partis politiques et les syndicats ont des membres. En revanche, ce mot n’est pas souvent utilisé concernant les gouvernements et les citoyens. On ne dit pas : « Alors, comment se portent les membres de l a nation britannique ? Ne gouvernez‑vous pas 60 millions de membres actuellement ? »

Les clubs naissent lorsque des gens ont un point d’intérêt commun. On offre des prestations de services quand un
besoin ou un désir commun se manifeste. Les Églises ont tout cela, avec quelque chose en plus cependant : un Roi qui exige l’obéissance de son peuple. L’Église commence par ce fait : Jésus est Sauveur et Seigneur. Il est mort sur la croix pour les péchés de tous ceux qui croient en lui et le suivent.

Cela signifie que la Bible ne parle pas de la notion d’adhésion à l’Église tout à fait comme on pourrait s’y attendre. Elle indique plutôt comment le peuple de Dieu se rassemble sous son autorité suprême. Elle s’intéresse aux citoyens d’un royaume, pas aux membres d’un club.


Cet article est un extrait de Être membre d’une église locale par Jonathan Leeman