Le regard de Jésus sur l’Ancien Testament (John Piper)

L’Ancien Testament: Le test décisif

À deux occasions au moins, Jésus souligne que l’Ancien Testament sert de test décisif pour savoir si une personne est ouverte à une autre vérité. Autrement dit, il montre que si l’on ne croit pas à la Parole de Dieu dans l’Ancien Testament, nous sommes atteints d’une forme de cécité qui nous empêchera probablement de voir la vérité concernant l’enfer et Jésus. Ces deux passages semblent donc impliquer que l’Ancien Testament est tout sauf un livre ordinaire ; l’inspiration et l’autorité qu’il possède le différencient de tous les autres et impactent de manière singulière notre manière de voir les autres vérités.

L’homme riche et Lazare

Le premier cas est l’histoire du riche et de Lazare, le pauvre homme couché devant sa porte. Les deux meurent et se retrouvent à deux endroits différents :

Le pauvre mourut et fut porté par les anges auprès d’Abraham. Le riche mourut aussi et fut enterré. Dans le séjour des morts, en proie à une grande souffrance il leva les yeux et vit de loin Abraham, avec Lazare à ses côtés. Il s’écria : « Père Abraham, aie pitié de moi et envoie Lazare pour qu’il trempe le bout de son doigt dans l’eau afin de me rafraîchir la langue, car je souffre cruellement dans cette flamme. » Abraham répondit : « Mon enfant, souviens-toi que tu as reçu tes biens pendant ta vie et que Lazare a connu les maux pendant la sienne ; maintenant, il est consolé ici et toi, tu souffres. De plus, il y a un grand abîme entre nous et vous, afin que ceux qui voudraient passer d’ici vers vous, ou de chez vous vers nous, ne puissent pas le faire. » Le riche dit : « Je te prie alors, père, d’envoyer Lazare chez mon père, car j’ai cinq frères. C’est pour qu’il les avertisse, afin qu’ils n’aboutissent pas, eux aussi, dans ce lieu de souffrances. » (Lu 16.22-28.)

À cette requête, Abraham répond : « Ils ont Moïse et les prophètes, qu’ils les écoutent » (v. 29). Autrement dit : « Dieu a donné une révélation à tes frères, et cette révélation suffit. » En réalité, elle est plus que suffisante.

L’homme riche proteste en disant que les Écritures ne sont pas suffisantes : « Non, père Abraham, mais si quelqu’un vient de chez les morts vers eux, ils changeront d’attitude » (v. 30). Autrement dit, ce qu’il leur faut, c’est un miracle marquant pour les secouer. La voix de Dieu ne suffit pas, il leur faut quelque chose de plus sensationnel.

La réponse d’Abraham est surprenante : « S’ils n’écoutent pas Moïse et les prophètes, ils ne se laisseront pas persuader, même si quelqu’un ressuscite » (v. 31). Cette parole est remarquable pour deux raisons. La première, c’est qu’on s’imagine instinctivement que voir quelqu’un ressusciter d’entre les morts serait plus convaincant que lire l’Écriture. Pourquoi alors Abraham affirme-t-il cela ?

Pourquoi une résurrection ne convaincrait-elle pas ?

La deuxième raison pour laquelle la réponse d’Abraham est remarquable, c’est que les apôtres avaient une bonne opinion des signes miraculeux et des prodiges (tels que les résurrections, les guérisons et les exorcismes). En effet, ces miracles témoignaient de la véracité de leur message – et Dieu s’en est servi pour appuyer la vérité de sa Parole. Ainsi, Barnabas et Paul « parlaient avec assurance, appuyés sur le Seigneur qui rendait témoignage à la parole de sa grâce en permettant qu’il se fasse par leur intermédiaire des signes miraculeux et des prodiges » (Ac 14.3). Et Hébreux 2.3,4 rappelle que le « salut, annoncé d’abord par le Seigneur, nous a été confirmé par ceux qui l’ont entendu. Dieu a appuyé leur témoignage par des signes, des prodiges et divers miracles, ainsi que par les dons du Saint-Esprit distribués conformément à sa volonté. » Les miracles jouent donc un rôle important pour convaincre les hommes que la Parole de Dieu est vérité.

Dans Actes 9.36-42, on constate les conséquences d’une résurrection opérée par un apôtre. Une disciple, Tabitha, vient de mourir. Ses amis demandent à Pierre de venir et de prier dans la chambre où elle repose. L’apôtre s’exécute, et Dieu la ressuscite d’entre les morts. Quelles sont les retombées de ce miracle ? « Il [Pierre] appela ensuite les saints et les veuves et la leur présenta vivante. Cela fut connu de tout Jaffa et beaucoup crurent au Seigneur » (Ac 9.41,42).

« S’ils n’écoutent pas Moïse et les prophètes… »

Que veut donc dire Abraham lorsqu’il rétorque au riche : « S’ils n’écoutent pas Moïse et les prophètes, ils ne se laisseront pas persuader, même si quelqu’un ressuscite » (Lu 16.31) ?

Tout d’abord, nous savons qu’en eux-mêmes les miracles ne convainquent pas les pécheurs de la vraie beauté spirituelle de Jésus-Christ. Ils peuvent les convaincre que Jésus est capable d’opérer des miracles, et qu’il ferait par conséquent un roi très utile (Jn 6.15,26). Les miracles ont même persuadé les frères de Jésus qu’il était un faiseur de miracles. Ses frères l’ont même encouragé à se rendre à Jérusalem pour montrer à tous sa puissance – après tout, « personne n’agit en secret, s’il cherche à être connu. Puisque tu fais ce genre de choses, montre-toi au monde ! » (Jn 7.4.) Et Jean ajoute aussitôt : « En effet, ses frères non plus ne croyaient pas en lui » (v. 5 ; voir 2.22-25). Ils avaient cru aux miracles de Jésus, et dans le même temps, ils n’étaient pas encore de véritables croyants2.

Lorsqu’Abraham déclare : « S’ils n’écoutent pas Moïse et les prophètes, ils ne se laisseront pas persuader, même si quelqu’un ressuscite », voici donc ce qu’il veut probablement dire : de simples miracles extérieurs ne rendront pas l’ouïe à celui qui est spirituellement sourd à la voix de Dieu dans l’Ancien Testament. La lecture de l’Écriture requiert autre chose. L’examen d’un miracle exige autre chose, lui aussi. L’état de mort spirituelle qui empêche de voir l’un empêche aussi de voir l’autre. Et l’un comme l’autre – l’Écriture ou le miracle – peut être l’occasion de faire disparaitre cet état de mort spirituelle. Mais tant que celui-ci subsiste, aucune résurrection ne sera assez convaincante.

Dieu pour donner des oreilles pour entendre et des yeux pour voir

Dieu peut donner des oreilles pour entendre et des yeux pour voir lorsqu’une résurrection se produit (ou non, Jn 11.45-53), tout comme il peut donner des oreilles pour entendre et des yeux pour voir lorsqu’on entend les Écritures (ou non, Lu 4.16-30). Mais dans les deux cas, la raison déterminante est l’œuvre illuminatrice de Dieu, et non la parole ou le prodige extérieur. On peut lire l’Écriture et voir un miracle, sans toutefois voir la gloire de Dieu. C’est un don de Dieu que de voir la gloire de Dieu dans la parole de Dieu ou dans un acte de Dieu (2 Co 4.6 ; 2 Ti 2.25,26).

Si Dieu accorde ce don dans la lecture de l’Ancien Testament – s’il s’agit d’une lecture empreinte de foi (comme dans le cas d’Anne et de Siméon, voir Lu 2.25-38) –, alors un cœur éclairé reconnaîtra la venue du Messie. Autrement dit, la présence d’un miracle ne rend pas un cœur capable de voir ; il confirme l’existence d’un tel cœur. Si nous sommes spirituellement aveugles en lisant la Parole de Dieu, aucun miracle extérieur dont les yeux de notre chair auront pu être témoins ne nous rendra la vue (Jn 5.38 ; 10.25).

« Si vous croyiez Moïse »

Jean 5.39-47 présente une deuxième occasion où Jésus souligne que l’Ancien Testament sert de test décisif pour savoir si quelqu’un est ouvert ou pas à une autre vérité. Jésus déclare aux chefs juifs :

Vous étudiez les Écritures parce que vous pensez avoir par elles la vie éternelle. Ce sont elles qui rendent témoignage à mon sujet, et vous ne voulez pas venir à moi pour avoir la vie ! Je ne reçois pas ma gloire des hommes. Mais je vous connais : vous n’avez pas l’amour de Dieu en vous. Je suis venu au nom de mon Père et vous ne me recevez pas… si vous croyiez Moïse, vous me croiriez aussi, puisqu’il a écrit à mon sujet. Mais si vous ne croyez pas à ses écrits, comment croirez-vous à mes paroles ?

Là encore, l’aveuglement qui empêche de discerner le témoignage que l’Ancien Testament rend à Jésus est le même que celui qui empêche une personne de reconnaître Jésus dans sa forme humaine. Jésus croyait donc qu’il y avait dans l’Ancien Testament une beauté et une vérité qui s’authentifiaient elles-mêmes, et qui constituaient une sorte de test. Ce test déterminerait si l’on était spirituellement prêt à voir la gloire de Christ lorsqu’il se révèle dans l’Histoire et dans l’Évangile. C’est l’appréciation la plus noble que l’on puisse faire de l’Ancien Testament, et c’est précisément le regard que Jésus portait sur lui.


Cet article est tiré du livre : Une gloire particulière de John Piper