Le problème du gentil et la promesse de la nouveauté (Michael Lawrence)

Nouveau ou gentil?

Nous devons absolument avoir une doctrine et une pratique justes. Nos Églises devraient croire que Dieu transforme complètement les gens, et qu’il ne les rend pas seulement gentils. Nous ne devons pas seulement le croire théoriquement, mais nous devons aussi pouvoir le mettre en pratique. À quoi cela ressemble-t-il ?

Dans deux passages des Écritures des plus importants pour comprendre la conversion, le prophète Ézéchiel et Jésus nous aident à trouver des réponses. Commençons par Jésus. Il dit que pour entrer dans le royaume de Dieu, il faut « naître de nouveau ». En parlant à un pharisien du nom de Nicodème, Jésus dit :

Si un homme ne naît de nouveau, il ne peut voir le royaume de Dieu. Nicodème lui dit : Comment un homme peut-il naître quand il est vieux ? Peut-il rentrer dans le sein de sa mère et naître ? Jésus répondit : En vérité, en vérité, je te le dis, si un homme ne naît d’eau et d’Esprit, il ne peut entrer dans le royaume de Dieu. Ce qui est né de la chair est chair, et ce qui est né de l’Esprit est esprit. Ne t’étonne pas que je t’aie dit : Il faut que vous naissiez de nouveau. Le vent souffle où il veut, et tu en entends le bruit ; mais tu ne sais d’où il vient, ni où il va. Il en est ainsi de tout homme qui est né de l’Esprit (Jn 3.3-8).

L’attrait d’être gentil

Il vaut la peine de reconnaître le puissant attrait de la gentillesse.

Nicodème et les autres pharisiens croyaient qu’on pouvait entrer dans le royaume de Dieu en étant gentil, ce qui signifiait pour eux d’être un bon Juif : suivre la loi de Moïse, aller au temple, offrir tous les sacrifices et se tenir loin des païens. Je ne crois pas que Nicodème se croyait parfait. Il savait probablement qu’il devrait être une meilleure personne. Peut-être que c’est précisément pour cette raison qu’il est allé voir Jésus au départ. Malgré tout, son but était d’atteindre une meilleure droiture morale. Les gens gentils entraient dans le royaume.

Aujourd’hui, on retrouve différents types de « gentil ». Il y a le gentil poli, mais détaché et tolérant du « vivre et laisser vivre ». Il y a le gentil de la conscience sociale et de l’activisme politique. Il y a le gentil religieux de nombreuses dénominations et communautés de croyants différentes. Il y a le gentil « spirituel, mais pas religieux ». Il y a même ce qu’on appelle chez moi le « gentil de Portland », une sorte de gentil pacifiste du genre « évitons de te faire sentir inconfortable, même si nous te jugeons et te rejetons quand même dans nos pensées ».

Malgré toutes ces différentes formes de gentillesse, son attrait n’a pas beaucoup changé depuis deux mille ans. Être gentil, être une bonne personne, devenir une meilleure personne qu’hier, c’est de se sentir bien avec soi-même. C’est cet attrait de l’éloge de soi qui lie toutes les variantes modernes ensemble pour en faire un programme religieux commun que Nicodème aurait reconnu (voir Lu 10.25-29). La gentillesse permet de se recommander soi-même aux autres et peut-être même à Dieu. La gentillesse permet de justifier et d’innocenter sa vie aux yeux de quiconque. C’est attirant.

Les suppositions de la gentillesse

L’attrait de la gentillesse provient de trois idées : une perspective optimiste de l’homme, une vision apprivoisée de Dieu et une perspective de la religion en tant que moyen pour se réformer moralement. À la base, Nicodème suppose qu’il peut faire tout ce qui est nécessaire pour se justifier devant Dieu. Il croit que Dieu est le genre de dieu qui sera satisfait de ses efforts et que la raison d’être de la religion est de l’aider à devenir une meilleure personne. Voilà comment fonctionne la gentillesse. Dieu veut que je sois bon. Je peux être bon. La religion m’aidera.


L’attrait de la gentillesse est… qu’elle répond à notre désir orgueilleux de nous justifier.


Aucune Église n’enseigne explicitement la religion de la gentillesse. En fait, elles enseignent normalement l’opposé. Pourtant, ces mêmes Églises sont remplies de gens qui croient que Dieu les acceptera parce qu’ils ont été bons. J’ai entendu cela dans trop de salons et de chambres d’hôpital. Pas parfait, personne ne dit ça, mais assez bon.

Pouvez-vous vous identifier à Nicodème ? Moi, oui. Quand j’étais un jeune étudiant universitaire, j’ai commencé à craindre que Dieu ne m’accepte pas. Alors, j’ai commencé à parler à Dieu : « Seigneur, je ne boirai plus. Seigneur, je lirai ma Bible et j’irai à l’église plus souvent. Alors, s’il te plaît, ne m’envoie pas en enfer, mais laisse-moi entrer au ciel. » Nicodème et moi supposions les mêmes choses. Je peux être bon. Dieu sera impressionné. La religion m’aidera. Ce n’était pas la prière d’un païen. C’était la prière de quelqu’un qui avait grandi dans une Église, qui avait entendu l’Évangile d’innombrables fois et qui se croyait chrétien. Pourtant, la religion de la gentillesse correspondait à ce que mon cœur, comme tous les cœurs corrompus, désirait. Je voulais être capable de me justifier moi-même. Et être gentil était la manière d’y parvenir.

Le rôle de la religion dans l’autojustification est bien représenté par un projet de l’organisation World Weavers pour la Blood Foundation, une organisation non gouvernementale en Thaïlande. En échange d’un moindre coût, le programme immerge les participants dans différentes traditions religieuses pour un mois. Ils offrent « moine [bouddhiste] pour un mois », « musulman pour un mois » et « l’expérience spirituelle des rastafaris »1. Il n’est pas nécessaire de se convertir ou de devenir un vrai croyant. En fait, les religions aident les gens à devenir de meilleures personnes, plus gentilles, donc n’importe quelle religion peut faire l’affaire.

Cette supposition voulant que toutes les religions soient essentiellement la même en dessous de tous ces emballages culturels est la raison pour laquelle beaucoup d’Occidentaux ont abandonné toutes formes de religion. Si le but est simplement d’être une meilleure personne, pourquoi aurait-on besoin de la religion ? La vraie question à laquelle il faut répondre est la suivante : selon quels standards mon autojustification sera-t-elle mesurée ? Les miens ? Ceux de la société ? Ceux de quelle société ? Ceux de Dieu ? Si la religion ne sert à rien d’autre que de s’améliorer soi-même, nous serions mieux, émotionnellement, si nous abandonnions l’idée religieuse et morale de l’autojustification pour la remplacer par l’idée psychologique de la croissance personnelle et de l’acceptation de soi. C’est ce que nous ont dit les thérapeutes durant le dernier siècle.

Ce que j’essaie de dire, c’est que l’attrait de la gentillesse attise non seulement nos désirs orgueilleux d’autojustification, mais il nous permet aussi d’éviter l’obligation de nous justifier devant Dieu. Il remplace une bonne relation avec Dieu et son prochain avec le fait de se sentir bien avec soi-même. Il engourdit notre conscience, apaise nos insécurités et nos anxiétés, et promeut l’illusion que l’on contrôle notre sort lors du jour du jugement.

La gentillesse dans la pratique

Ce qui rend le moralisme de la gentillesse si difficile à détecter dans nos Églises évangéliques est qu’il n’est pratiquement jamais enseigné explicitement. C’est notre état normal en tant qu’êtres non régénérés. Ce moralisme nous suit dans l’Église comme l’odeur de nos vêtements : nous y sommes si habitués que nous ne le remarquons même pas. Or, cette odeur se manifeste de plusieurs manières :

  • Nous condamnons les péchés du monde plus que les nôtres ;
  • Nous hiérarchisons les péchés, tolérant certains (surtout les nôtres) plus que d’autres ;
  • Dans l’Église, nous prions et chantons pour glorifier Dieu, mais jamais pour nous confesser ;
  • Nous décrivons nos propres péchés comme des « erreurs » ;
  • Nous utilisons les histoires bibliques pour enseigner à nos enfants comment être bons au lieu de diriger leur attention sur le Sauveur : « sois comme David » au lieu de « tu as besoin d’un meilleur David, Jésus-Christ ».

La manière principale que nous utilisons pour enseigner la gentillesse est probablement notre présentation du Christ. Nous nous servons du Christ et de l’Évangile comme méthode pour nous améliorer nous-mêmes. Ce n’est pas comme si nous oubliions de discuter de la croix ou même du péché. C’est que nous présentons le péché comme un problème qui affecte premièrement nos vies et nos relations, et qui entrave le chemin vers nos objectifs. Jésus-Christ est présenté comme celui qui corrigera toute cette situation. Nous nous disons que Jésus fera une différence dans nos mariages et l’éducation de nos enfants. Jésus amènera l’amour, la joie et la paix dans nos maisons. Jésus donnera un nouveau sens à notre travail. Venons à Jésus et il fera une différence dans nos vies.

Bien sûr, Jésus fait effectivement une différence dans la vie des croyants. Par contre, la meilleure vie que nous voudrions n’est pas celle qu’il offre. Après tout, qu’est-ce que Jésus a dit ? « Si quelqu’un veut venir après moi, qu’il renonce à lui-même, qu’il se charge de sa croix, et qu’il me suive » (Mt 16.24). Cela veut dire que Jésus pourrait faire une différence dans notre mariage en nous donnant la grâce de persévérer avec un conjoint ou une conjointe qui ne nous aime plus. Il pourrait amener l’amour, la joie et la paix dans nos maisons en faisant de nous un agent qui apporte ces choses au lieu d’un récipiendaire qui en bénéficie. Il pourrait donner un nouveau sens à notre travail en changeant notre attitude plutôt qu’en modifiant notre description de tâche.

Lorsqu’on dit que Jésus est la panacée pour tous les problèmes qu’on s’est diagnostiqués nous-mêmes, beaucoup de gens à l’extérieur demeurent sceptiques. Ils n’arrêtent pas de jouer le jeu de la gentillesse. Ils ne voient tout simplement pas le besoin de jouer le jeu à l’église ou la preuve que nous jouons mieux qu’eux.

Pendant ce temps, des gens à l’intérieur de l’Église ignorent tout du christianisme biblique. Nombre d’entre nous avons appris le message d’être gentil dans des Églises qui nous ont présenté un Jésus qui promet de nous améliorer, pas un Jésus qui appelle ses disciples à mourir à eux-mêmes. Ces Églises nous ont enseigné comment être gentils sans s’assurer que nous étions « nés de nouveaux ». J’ai bien peur que ce soit pour cette raison que beaucoup d’enfants de mes amis se soient éloignés du christianisme. Ils n’ont pas délaissé la gentillesse. Ils ont simplement découvert qu’ils n’ont pas besoin de Jésus pour ça.

La nécessité de naître de nouveau

L’attrait de la gentillesse est puissant. Cela plaît à notre vanité et notre orgueil. Or, Jésus nous présente, à trois reprises dans Jean 3, qu’il faut naître de nouveau :

  • « Si un homme ne naît de nouveau, il ne peut voir le royaume de Dieu » (v. 3) ;
  • « Si un homme ne naît d’eau et d’Esprit, il ne peut entrer dans le royaume de Dieu » (v. 5) ;
  • « Il faut que vous naissiez de nouveau » (v. 7).

Pour être justes devant Dieu, nous n’avons pas besoin de nous améliorer. Nous avons besoin d’être complètement renouvelés. En fait, la Bible utilise plusieurs concepts théologiques pour décrire ce que Jésus voulait dire :

  • La régénération, ce qui veut dire naître de nouveau, avec un accent sur la source divine de cette nouvelle vie (1 Pi 1.3) ;
  • La recréation, ce qui signifie être créé de nouveau en faisant partie de la nouvelle création de la fin des temps (2 Co 5.17 ; Ga 6.15) ;
  • La transformation, ce qui veut dire recevoir une nouvelle nature (Col 3.10).

Un changement radical doit s’opérer en nous. Un terme que la Bible n’utilise jamais pour décrire le sens des paroles de Jésus est « réforme ». On peut réformer une Église, mais pas un cœur mort. Jésus dit que le changement de notre personne doit atteindre le fin fond de notre être, notre nature elle-même.

Selon les Écritures, Dieu nous a créés pour qu’on le loue, qu’on l’adore, qu’on trouve en lui notre profonde satisfaction. Voilà notre nature telle qu’il l’a créée à l’origine. Quand nos premiers parents se sont révoltés contre Dieu, ils ont fait bien plus qu’enfreindre une règle; ils ont corrompu leur nature. Les théologiens appellent cela le « péché originel » et nous en avons tous hérité. Nous avons été créés avec une nature qui aime Dieu, mais nous avons maintenant une nature qui s’aime elle-même. Paul dit que nous sommes morts dans nos péchés depuis la naissance et que nous marchons selon les convoitises de la chair (Ép 2.1-3). Nous sommes comme des morts-vivants. C

’est pour cela que la gentillesse ne fonctionne pas. Nous devons être renouvelés.


Cet article est adapté du livre : « La conversion » de Michael Lawrence