Le « dépouillement » de Jésus-Christ (David Cadotte)
La doctrine de la kénose (du grec, kenôsis) réfère au dépouillement de Christ lors de son incarnation. Elle explique la manière dont le Fils préexistant est devenu homme. La lettre de Paul aux Philippiens peut être qualifiée de texte fondateur pour cette notion : « mais il [Christ] s’est dépouillé lui-même, en prenant une forme de serviteur, en devenant semblable aux hommes ; et il a paru comme un vrai homme » (Ph 2.6-8).
En revêtant une forme de serviteur, Christ a pu mener une vie d’obéissance dans la chair et se sacrifier sur la croix en tant que représentant ultime de l’humanité. En obéissant dans sa forme de serviteur, il n’a pas perdu sa forme de Dieu (les attributs qui appartiennent à Dieu), dans laquelle il est égal au Père. Christ est à la fois forme et image de Dieu parce qu’il est Fils de Dieu, et il est forme et image de l’homme parce qu’il est Fils de l’homme. Si Christ s’était dépouillé de sa nature divine ou s’il l’avait échangée contre une nature humaine, il aurait cessé d’être Dieu. L’essence divine ne peut être ni supprimée ni altérée. C’est pourquoi la personne même du Christ incarné nous révèle Dieu : « Personne n’a jamais vu Dieu ; Dieu le Fils unique, qui est dans le sein du Père, est celui qui l’a fait connaître » (Jn 1.18). Jésus-Christ « a manifesté extérieurement son essence divine interne [1] » par différents miracles durant son ministère terrestre, et même le centenier qui l’a vu mourir dans son corps à la croix n’a pu que reconnaître qu’il était également Dieu : « Le centenier, qui était en face de Jésus, voyant qu’il avait expiré de la sorte, dit : Assurément, cet homme était Fils de Dieu » (Mc 15.39).
Bien qu’il possédait tous les attributs de Dieu après son incarnation, Jésus s’est dépouillé de sa gloire céleste : « Je t’ai glorifié sur la terre, j’ai achevé l’œuvre que tu m’as donnée à faire. Et maintenant toi, Père, glorifie-moi auprès de toi-même de la gloire que j’avais auprès de toi avant que le monde soit » (Jn 17.4,5). Le Fils a mis de côté sa gloire et sa beauté divine lorsqu’il est venu dans ce monde. Le prophète Ésaïe nous dit qu’il n’avait « ni beauté, ni éclat pour attirer nos regards » (És 53.2). Seuls les disciples les plus proches de Jésus ont pu avoir un aperçu de la gloire céleste de Christ lors de la transfiguration (Lu 9.32).
Christ a aussi mis de côté son honneur. Il a été méprisé et dédaigné par les hommes. Il a été maltraité et opprimé. De riche qu’il était, il s’est fait pauvre (2 Co 8.9). Il s’est privé de toutes les richesses du ciel pour vivre une vie d’humilité. Dans son humilité, il a accepté de ne plus exercer sa volonté indépendante et souveraine, mais de se soumettre en toutes choses à la volonté du Père. Il a même volontairement soumis à son Père l’exercice indépendant de ses attributs divins. Jésus s’est dépouillé de ses privilèges en tant que Roi des rois et est devenu le serviteur de l’Éternel parmi les hommes : « C’est ainsi que le Fils de l’homme est venu, non pour être servi, mais pour servir » (Mt 20.28). Le Fils est descendu du ciel. Pleinement Dieu, il s’est fait chair et s’est revêtu pleinement d’une nature supplémentaire, une humanité sans péché. On doit reconnaître en lui « deux natures, sans confusion, ni transformation, ni division, ni séparation entre elles [2] ». Son expérience de la condition humaine était complète, véritable et observable : il est né d’une femme, a eu une famille, a grandi, a travaillé, a eu faim et soif, a ressenti des émotions, a connu la fatigue, a saigné et a connu la mort. Dans cette manière de se présenter aux hommes, Jésus s’est humilié lui-même. Il est né humblement et a grandi dans une humble famille et un humble village. Il s’est humilié pour nous jusqu’à sa mort, une mort des plus honteuses sur la croix. Il est un exemple de dévouement à imiter (Ph 2.5).
Finalement, le dépouillement de Jésus-Christ rend encore plus éclatante la restauration de sa gloire après son sacrifice à la croix. Parce qu’il a rendu gloire à Dieu en menant à terme son œuvre de rédemption, Dieu l’a ressuscité et exalté d’une manière qui a montré à tous que Jésus-Christ est le Seigneur qui est digne de louanges dans les cieux, sur la terre et sous la terre (Ph 2.9-11).
[1] John MacArthur, Théologie systématique, op. cit., p. 269-270. [2] Citation du Symbole de Chalcédoine, dans J. Kelly, Initiation à la doctrine des Pères de l’Église, Les Éditions du Cerf, Paris, 1968, p. 349-350.