La toute première prière (Gary Millar)

Pourquoi l’homme a commencé à faire appel à Dieu

Dès les premiers chapitres de la Bible, Dieu indique clairement que l’humanité a été créée pour jouir de la vie avec Dieu, et de Dieu dans la vie – pour expérimenter le rayonnement de sa présence et l’écouter parler « de près ».

Adam et Ève marchent avec Dieu dans le jardin, que Dieu lui-même a prévu dans ce but précis. Et ils sont chargés de faire de l’ensemble de la création un lieu où Dieu peut être connu et apprécié (voir Genèse 1.28 et 2.15-16). Pour eux, les relations avec Dieu étaient naturelles et sans entraves. Après les événements de Genèse 3, bien sûr, tout devient beaucoup plus difficile.

Le grand plan de Dieu pour son peuple et son monde reste le même, mais soudain le chemin vers Dieu est jonché d’obstacles, la facilité de la relation avec Dieu étant remplacée par la lutte. En fait, la manière dont nos premiers parents sont censés entrer en relation avec Dieu lorsqu’ils quittent le jardin, désormais inaccessible, n’est pas tout à fait claire (Genèse 3.24). La tâche qui leur a été confiée en Genèse 1.28 demeure, mais elle sera désormais abordée à contre-courant d’une création brisée et sans la présence immédiate du Créateur. Ce qui nous amène à Genèse 4.

La première prière consignée

Après l’exclusion du couple originel de l’Eden, le récit saute immédiatement à la naissance de Caïn puis d’Abel. La note intrigante de Genèse 3.15 nous a préparés à attendre un individu capable de défaire le chaos récemment créé par le péché.

Les deux frères sont représentés en train d’apporter des offrandes à Dieu (la conscience de notre obligation envers celui qui nous a créés reste intacte), mais les événements violents qui suivent ne font que montrer que l’espoir de l’humanité doit être trouvé ailleurs – et pourtant, de façon remarquable, Dieu a continué à parler à son peuple. Le mal de Caïn devient rapidement incontrôlable, puisqu’il s’installe dans une ville (Genèse 4.17), au lieu de continuer à « remplir la terre et à la soumettre », puis il engendre une dynastie d’hommes autonomes, dont le point culminant est la brutalité de Lémec, qui se vante à ses femmes que si quelqu’un lui cherche des noises, il se vengera de façon disproportionnée (Genèse 4.24).

À ce point du récit tragique, nous trouvons ces mots :

Adam eut encore des relations conjugales avec sa femme. Elle mit au monde un fils et l’appela Seth, car, dit-elle : « Dieu m’a donné un autre fils [ou « descendance »] pour remplacer Abel que Caïn a tué. » Seth eut lui aussi un fils, et il l’appela Enosh. C’est alors que l’on commença à faire appel au nom de l’Éternel. (Genèse 4.25-26)

Au départ, Genèse 4.25 suscite nos espoirs. Caïn et Abel ne seront pas les seuls héritiers d’Adam – il y a un autre fils, Seth. Les propres mots d’Ève, soulignant qu’il s’agit d’une autre « descendance » (même mot dans Genèse 3.15), nous amènent à attendre plus de détails et, espérons-le, un contrepoint lumineux à l’obscurité de Caïn et de sa lignée. Cependant, nous ne recevons aucun détail sur Seth. Il naît, et sa seule contribution au plan de Dieu est d’engendrer un fils, Enosh.

Comme son père, Enosh n’apporte aucune contribution au récit, si ce n’est une descendance. Il est donc doublement surprenant que la naissance d’Enosh amène les gens à invoquer le nom du Seigneur, apparemment pour la première fois.

Pourquoi prier maintenant ?

L’expression « c’est alors » dans les cinq premiers livres de la Bible tend à introduire des incidents significatifs (par exemple, Genèse 12.6 ; 38.1 ; Deutéronome 1.9). Dans ce cas, la nature frappante de l’action (invoquer le nom du Seigneur) est un signal supplémentaire que quelque chose d’important se passe. Mais cela laisse perplexe : qu’est-ce qui a bien pu provoquer ce « nouveau départ » dans la relation de l’humanité avec Dieu ?

Seth est né, mais ne fait rien d’autre. Enosh naît à son tour et, de la même manière, sa naissance ne semble avoir rien de remarquable. Que devons-nous en penser ? Qu’est-ce qui les a poussés à chercher Dieu de cette façon maintenant ?

Il est théoriquement possible qu’il s’agisse simplement d’une note chronologique. Cependant, étant donné que pas un mot n’est gaspillé dans les premiers chapitres de la Bible, et que chaque phrase semble chargée de signification pour le déroulement du récit, cela semble hautement improbable. Il semble plutôt que commencer à « invoquer le nom de l’Éternel » soit la bonne réponse au fait que Caïn et Abel, Seth et Enosh sont tous apparus, mais qu’il n’y a, pour l’instant, aucun signe de celui appelé à écraser le Serpent qui était promis dans Genèse 3.15. L’attente – et l’appel à Dieu pour qu’il agisse – a commencé.

Nous demandons ce qu’il a promis

C’est la première adresse à Dieu après la chute – et c’est un appel à Dieu pour qu’il agisse en accomplissant ses promesses. Dans l’Institution, Jean Calvin dit :

Puisque nous sommes enseignés par la foi de connaître que tout le bien qui nous est nécessaire … est en Dieu et en son Fils … il reste que nous cherchions en lui, et par prières … demandions de lui ce que nous avons appris y être. (III, XX.1)

Je pense que c’est ce qui se passe ici dans Genèse 4. L’annonce de Genèse 3.15 a donné vie à l’espérance de l’Évangile, qui à son tour conduit le peuple de Dieu à demander à Dieu d’agir. L’Évangile donne naissance à la prière évangélique.

Lorsque nous examinons les prières à travers la Bible, il devient de plus en plus évident qu’elles sont dominées par cette seule préoccupation : voir Dieu agir pour accomplir ses promesses alors qu’il fait avancer son plan de rédemption dans notre monde. Cela ne veut pas dire, bien sûr, que notre relation avec Dieu peut être réduite à cette seule chose. Il y a beaucoup d’activités auxquelles nous sommes invités ou commandés dans le cadre de notre relation avec Dieu (comme la louange, la repentance, l’intercession, les lamentations ou l’action de grâce).

Cependant, lorsqu’il s’agit de la prière, la Bible semble avoir un objectif beaucoup plus étroit que nous ne le permettrions normalement. La prière est un moyen de communion avec Dieu, mais bien plus souvent, elle consiste simplement à demander à Dieu de faire ce qu’il a promis de faire.

Jusqu’à ce que la prière soit superflue

Cette simple observation, qui découle naturellement de Genèse 4.25-26, coupe court à une grande partie de la culpabilité et de la confusion que nous ressentons souvent à propos de la prière. La prière commence par demander à Dieu d’accomplir son œuvre évangélique. C’est sans doute la raison pour laquelle Jésus peut nous encourager à prier des prières du royaume sans hypocrisie et sans détours (Matthieu 5.5-14). La prière ne consiste pas principalement à communier avec Dieu, et encore moins à lui tordre le bras, mais à demander à Dieu de faire ce qu’il s’est déjà engagé à faire (voir Luc 11.5-13).

Il est facile de passer à côté de la signification de Genèse 4.25-26, mais cela ne signifie pas qu’il ne s’agit pas d’un indice évangélique magnifique sur la manière dont des gens comme vous et moi doivent se comporter avec le Dieu qui nous aime de ce côté-ci de la chute. Nous devons prier – en demandant à Dieu de faire ce qu’il a promis – jusqu’au jour où la prière ne sera plus nécessaire, parce que toutes choses ont déjà été rendues nouvelles et que toutes ses promesses ont été parfaitement réalisées.

Mais jusque-là ? Nous continuons à prier comme les gens de l’époque de Seth et Enosh, en demandant à Dieu d’agir pour notre bien et pour sa gloire.


Cet article est une traduction de l’article anglais « The Very First Prayer » du ministère Desiring God par Timothée Davi.