La prospérité qui plaît à Dieu (Maxime Pierre-Pierre)

Quelle perspective le croyant doit-il avoir sur la prospérité ? Une prière des Écritures donne une réponse très sagace à cette interrogation : « Ne me donne ni pauvreté, ni richesse, Accorde-moi le pain qui m’est nécessaire. De peur que, dans l’abondance, je ne te renie et ne dise: Qui est l’Éternel? Ou que, dans la pauvreté, je ne dérobe, et ne m’attaque au nom de mon Dieu » (Proverbes 30.8b-9).

Un extrême à éviter est celui de croire que pauvreté est synonyme de piété. On s’inspire parfois à tort de certains textes bibliques pour établir ce dangereux rapprochement. Le pauvre Lazare, à sa mort, alla dans le sein d’Abraham, argue-t-on, tandis que le mauvais riche fut en proie aux tourments du séjour des morts (Luc 16.19-31). De même, le jeune homme riche refusa de suivre Jésus à cause de ses grandes possessions (Luc 18.18-30). Et même Jacques dénonce avec virulence les riches (Jacques 5.1-6). Qu’on se rappelle toutefois que Dieu sauve des pauvres non à cause de leur misère, mais à cause de leur foi au sacrifice de Christ et qu’il condamne des riches non à cause de leur abondance, mais à cause de leur incrédulité. On a connu et connaît encore des pauvres impies aussi bien que des riches pieux. Ceux-ci seront sauvés et ceux-là condamnés par le même Dieu juste.

L’autre extrême qu’il faut éviter est celui de penser que prospérité est synonyme de piété. C’est là l’une des prémisses d’un mouvement né en Amérique du Nord et communément appelé de nos jours la théologie ou l’évangile de la prospérité. Les adeptes de ce mouvement raisonnent comme suit : « Puisque je sers Dieu, il me comblera de toutes sortes de bénédictions matérielles. Je suis un fils, une fille du grand roi, et je dois vivre en tant que tel. L’argent et l’or sont à lui, alors je dois jouir de l’or et de l’argent de mon Père. Tout enfant de Dieu a droit à des bénédictions matérielles. S’il n’en a pas, c’est qu’il ne les réclame pas. Je prouverai aux autres que je sers un grand Dieu en cherchant et en étalant de somptueuses richesses, en faisant miroiter à leurs yeux les promesses de bénédictions matérielles faites par Dieu. »

Ce point de vue n’est pas biblique non plus. S’adressant aux chrétiens de Corinthe, l’une des villes les plus prospères de l’Antiquité, Paul leur dit : « Considérez, frères, que parmi vous qui avez été appelés il n’y a ni beaucoup de sages selon la chair, ni beaucoup de puissants, ni beaucoup de nobles » (1 Corinthiens 1.26). En clair, ces chrétiens n’étaient imposants ni par leur savoir, ni par leur pouvoir, ni par leur avoir. Le même apôtre rappelle : « Mais ceux qui veulent s’enrichir tombent dans la tentation, dans le piège, et dans beaucoup de désirs insensés et pernicieux qui plongent les hommes dans la ruine et la perdition. Car l’amour de l’argent est une racine de tous les maux; et quelques-uns, en étant possédés, se sont égarés loin de la foi, et se sont jetés eux-mêmes dans bien des tourments » (1 Timothée 6.9-10).

La proclamation de l’évangile de la prospérité telle que décrite tantôt ne refléterait-elle pas de la naïveté ? Bénis matériellement par Dieu, vivant dans un contexte économique prospère, certains chrétiens d’Amérique du Nord pensent que leur situation d’abondance doit être la norme pour les chrétiens du reste du monde.

Si la richesse est le signe d’approbation de Dieu sur la foi de certains croyants, les chrétiens nantis auraient-ils plus de foi que leurs frères et sœurs démunis d’Asie, d’Amérique latine, d’Afrique, du Tiers monde qui n’auraient pas assez de foi pour être riches, et, pis encore, qui sont parfois persécutés ?

Pour éviter de tomber dans l’un ou l’autre des deux extrêmes, il faut garder le sain équilibre recommandé dans les Écritures : « Je sais vivre dans l’humiliation, et je sais vivre dans l’abondance. En tout et partout j’ai appris à être rassasié et à avoir faim, à être dans l’abondance et à être dans la disette » (Philippiens 4.12).

Bref, le chrétien ne doit ni être hostile à la prospérité (si Dieu la lui accorde), ni en faire le sujet principal de ses poursuites. La prospérité n’est pas mauvaise, mais elle ne doit pas être une fin en soi. Elle doit être utilisée non pour la gratification de nos seuls besoins et caprices, mais surtout pour l’avancement du royaume de Dieu, pour le soulagement des pauvres, pour le soutien des ministères de l’Église, pour la propagation de l’Évangile et pour la promotion des causes chrétiennes.