La dépression spirituelle et les sentiments (Martyn Lloyd-Jones)

« C’est pourquoi je t’exhorte à ranimer le don de Dieu que tu as reçu par l’imposition de mes mains. » 2 Timothée 1:6

Le problème des sentiments constitue sans doute la cause la plus fréquente de dépression spirituelle. Rien ne pousse autant l’enfant de Dieu à se rendre auprès de son conducteur spirituel. Il s’agit d’une réaction très naturelle car l’aspiration au bonheur paraît innée dans la nature humaine. Nul ne souhaite se sentir malheureux, même si certains semblent se complaire dans le malheur !

Les sentiments sont essentiels

Quel rôle possèdent les sentiments dans la vie spirituelle ? Tout d’abord, ils doivent être engagés dans une expérience chrétienne véritable. Si l’Évangile ne nous a jamais émus, nous ferions mieux de revoir le fondement de notre foi. Si le poète peut être profondément ému en contemplant la beauté de la nature, le chrétien devrait l’être à plus forte raison face à la gloire de l’Évangile d’un tel Dieu.

On ne peut pas lire le Nouveau Testament sans découvrir combien la joie est une dimension essentielle de l’expérience chrétienne. Par la conversion, Dieu nous a retirés de la fosse de destruction, du fond de la boue ; il a dressé nos pieds sur le roc et mis dans notre bouche un cantique nouveau, une louange à notre Dieu ! (Psaume 40:3,4)

Les sentiments sont spontanés

Toutefois, n’oublions pas que nous ne possédons nullement le pouvoir de créer les sentiments, ni de les commander à notre gré. Vous réussirez peut-être à vous faire pleurer mais cette expérience n’engendre pas nécessairement de sentiments réels. Il existe une fausse sentimentalité très différente de la véritable émotion. Un aspect remarquable de la psychologie humaine se voit dans l’incapacité de créer ses propres sentiments. Plus nous essayons de produire des sentiments en nous-mêmes, plus nous augmentons notre misère.

Les sentiments sont changeants

L’être humain se révèle très changeant et ses sentiments varient plus que tout autre aspect de sa personnalité car ils subissent l’influence d’un très grand nombre de facteurs. Selon les Anciens, les sentiments siégeaient dans les différents organes du corps. Leur conviction avait quelque chose de vrai car, non seulement le tempérament, mais la condition physique peut influencer les sentiments.

La conversion ne nous débarrasse pas sur-le-champ de toutes ces particularités liées à notre constitution. Elles existent toujours et affectent nos sentiments. Le matin, notre humeur au réveil, totalement différente de celle de la veille, nous a sans doute étonné à maintes reprises. Rien d’évident n’explique pareil changement. Hier, tout allait bien, nous nous sommes endormi dans l’espoir de vivre un jour nouveau et plein de promesses mais, sans crier gare, un sentiment de dépression et de mauvaise humeur nous envahit au réveil. Ainsi, le caractère fluctuant de nos sentiments souligne un danger.

Les sentiments conduisent – danger !

Nous recevons tous notre tempérament de Dieu. Nous sommes tous différents et devons le rester. Mais nous ne devons jamais permettre à notre tempérament et à nos sentiments de régir notre vie. Certes, bien des gens se glorifient d’agir selon leur tempérament et déclarent avec orgueil : « Je suis franc ; je dis toujours ce que je pense ! » Pensons aux dégâts commis par de telles personnes qui piétinent les susceptibilités d’autrui ! Que se passerait-il si tout le monde agissait ainsi ? Nous ne possédons pas le pouvoir de changer notre tempérament mais il nous faut le tenir en bride.

Les sentiments chercheront sans cesse à nous contrôler et, si nous n’y prenons pas garde, ils y réussiront. Ces états d’âme semblent fondre sur nous. Nous ne le voulons pas, mais en vain. Au réveil, par exemple, la mauvaise humeur a tendance à prendre le dessus jusqu’au moment où un fait nouveau intervient pour changer cela. L’Ancien Testament donne un très bon exemple en la personne de Saül, roi d’Israël, un homme qui était gouverné par ses sentiments.

Nous n’avons pas tous les mêmes sentiments

Ne doutons surtout pas de l’authenticité de notre conversion pour la seule raison de n’avoir pas connu certaines expériences ou éprouvé certains sentiments. Ce problème constitue l’une des manifestations les plus courantes de la dépression spirituelle. Des chrétiens témoignent parfois d’expériences et de sentiments merveilleux totalement étrangers à leurs auditeurs. Ceux-ci en viennent alors à douter de leur propre conversion. Les sentiments doivent jouer un rôle dans la vie chrétienne authentique, mais le simple fait de ne pas avoir expérimenté certains d’entre eux en particulier ne signifie rien.

Si nous regardons comme indispensable la présence de certains sentiments, nous pouvons très bien devenir les victimes de Satan et passer le restant de notre vie dans la tristesse, tout en appartenant véritablement à Christ.

La peur des sentiments

La question de la race influe aussi sur la façon de voir la vie. Par exemple, des chrétiens de certaines cultures ethniques n’hésitent pas à qualifier de fallacieuse une joie chrétienne trop prononcée. Leur crainte immense des sentiments les pousse à taxer de fausse toute expression de bonheur ou de joie.

Ce type de réaction existe aussi dans certains milieux religieux. Je me souviens d’un titre de message d’un prédicateur célèbre : « L’enfant de lumière marchant dans les ténèbres et l’enfant des ténèbres marchant dans la lumière », basé sur Ésaïe 50:10,11. Il mentionnait la possibilité d’entretenir de faux sentiments, d’allumer en nous un feu merveilleux mais éphémère. « Parce qu’il est conscient de la lèpre de son propre cœur, affirmait-il, le véritable enfant de Dieu marche en ce monde le cœur lourd et empli de chagrin, conscient de son péché, comme de la grandeur et de la majesté de Dieu. » J’ai apprécié le fond de son message mais il allait trop loin à mon sens. Ses propos renfermaient presque une suspicion envers le bonheur chrétien.

Certains, je ne le conteste pas, s’imaginent être chrétiens alors qu’ils n’ont connu qu’une expérience psychologique et non spirituelle : la joie chrétienne n’a rien de commun avec la superficialité et la frivolité. Mais cette constatation ne doit pas nous conduire à qualifier toute joie de non chrétienne.

Rechercher la cause de la tristesse

De quelle manière doit-on traiter le problème des sentiments ? Voici quelques suggestions. Tout d’abord, lors d’une période de dépression, cherchons si aucune cause réelle ne pourrait expliquer cette tristesse.

Ainsi, si nous avons péché, la tristesse nous envahira. « La voie des perfides est rude » (Proverbes 13:15). Si nous transgressons les lois de Dieu et violons ses ordonnances, nous connaîtrons le malheur. Si nous pensons pouvoir vivre la vie chrétienne à notre propre gré en suivant nos inclinations, nous traverserons des moments très pénibles. Si nous entretenons un péché particulier ou tenons à conserver un comportement réprouvé par le Saint-Esprit, le bonheur nous échappera. Confessons notre péché à Dieu, reconnaissons-le, repentons-nous. Ouvrons notre cœur, disons tout à Dieu et croyons à son pardon.

« Si nous confessons nos péchés, il est fidèle et juste pour nous pardonner et nous purifier de tout péché » (1 Jean 1:9).

Ne perdons pas notre temps à continuer plus avant si nous abritons le péché. Combien d’entre nous se laissent prendre à ce point ! N’espérons pas régler ce problème sans traiter le péché comme il se doit. Écoutons notre conscience, prenons garde à ce que Dieu dit par son Esprit en nous. Débarrassons-nous de ce qu’il met au jour.

Remettre les sentiments à leur place

Ne commettons pas l’erreur de nous concentrer trop sur nos sentiments. Ne leur accordons pas trop d’importance, surtout pas la place centrale. Je ne me lasse jamais de le répéter car cette erreur engendre beaucoup de difficultés. Les sentiments ne doivent jamais occuper une place prépondérante et, si nous la leur accordons, la tristesse viendra car nous ne suivons pas l’ordre conçu par Dieu. Les sentiments découlent toujours d’une source. Qu’un lecteur de la Bible puisse tomber dans l’erreur de l’oublier dépasse la compréhension. Le psalmiste nous invite :

« Sentez et voyez combien l’Éternel est bon » (Psaume 34:9).

Comment ressentir la bonté de Dieu sans l’avoir vue dans sa Parole ? C’est impossible !

Cette vérité revient à maintes reprises dans l’Écriture. La Bible nous offre avant tout la Vérité et non un stimulant émotionnel destiné à susciter en nous une expérience joyeuse. Or, cette Vérité s’adresse en premier lieu à l’intelligence, don suprême de Dieu à l’homme. Quand nous comprenons la vérité et nous y soumettons, les sentiments suivent. Je ne dois jamais me demander d’abord : « Que ressens-tu ? », mais : « Le crois-tu ? »


Cet article est tiré du livre : La dépression spirituelle de Martyn Lloyd-Jones