Faut-il prioriser la croissance ou la piété? (Conrad Mbewe)

Lorsque les gens sont consumés par le zèle de voir leur Église grandir numériquement, ils peuvent tomber dans le piège de désirer le grand nombre au détriment de la piété. Il est intéressant de noter que l’Église de Jérusalem grandissait alors que les apôtres exerçaient la discipline d’Église. Peu de temps après que l’Église ait atteint la barre des cinq mille âmes, un homme, nommé Ananias, et sa femme, Saphira, ont vendu un bien; quand ils ont apporté l’argent aux apôtres, ils ont prétendu que c’était tout ce qu’ils avaient perçu de cette vente. Or, ils mentaient. L’apôtre Pierre les a confrontés à ce sujet, chacun à son tour, et ils sont morts sur le coup, l’un après l’autre. On nous dit qu’à la suite de cet événement, «une grande crainte s’empara de toute l’assemblée et de tous ceux qui apprirent ces choses» (Ac 5.11). La quantité ne doit jamais remplacer la qualité dans l’Église. Tel a été le message de Dieu et de ses apôtres lors de ce stupéfiant événement disciplinaire.

La crainte de la discipline

Les dirigeants de l’Église craignent souvent de recourir à la discipline; ils redoutent de perdre certains fidèles. La première fois que j’ai été témoin de cette peur, c’était avant de devenir pasteur. Je travaillais comme ingénieur dans les mines de cuivre zambiennes. Un soir, j’ai vu une voisine, qui était mère célibataire, recevoir un homme marié. Alors qu’elle l’escortait jusqu’à la voiture le lendemain matin, tout prouvait qu’il s’agissait d’un adultère. Je suis allé confronter la dame le jour même. Elle m’a simplement mis en garde en me disant qu’elle me verserait de l’huile bouillante sur la tête si jamais je racontais aux anciens de son Église ce que j’avais vu. En quittant sa maison, je lui ai conseillé de mettre l’huile à chauffer sur le poêle, parce qu’elle allait en avoir besoin! Eh bien, à ma grande surprise, lorsque j’ai rapporté les faits aux anciens de son Église, ils m’ont répondu: «Nous ne pouvons pas la confronter. Si nous le faisons, nous la perdrons.» J’étais sidéré. Je n’aurais jamais pensé entendre cela de la part de responsables d’Église. C’était il y a plus de trente ans. Depuis, j’ai appris. Nombre de dirigeants d’Église ignorent volontairement le péché par peur de perdre des membres. En vérité, lorsque la discipline d’Église est gérée correctement et que le péché tenace est puni, l’Église peut certes perdre des membres pendant un temps, mais bien souvent, la bénédiction de Dieu ne tarde pas à visiter l’Église. Le péché dissimulé afflige le Saint-Esprit; il retire alors ses influences gracieuses d’une Église. Le nombre de personnes dans l’Église semble augmenter, mais généralement, il ne s’agit pas de personnes vraiment converties. L’Église devient alors une «synagogue de Satan» (Ap 2.9; 3.9), plutôt qu’une Église de Jésus-Christ.

La piété et l’Église

L’Église est censée être le «sel de la terre» et la «lumière du monde» (Mt 5.13-16). Quel est l’intérêt d’avoir des milliers de membres d’Église si le sel a perdu sa saveur et se retrouve «foulé aux pieds par les hommes»? (v. 13.) En quoi le nombre de membres dans notre Église devrait-il nous réjouir s’il y manque les bonnes œuvres censées briller devant les hommes pour qu’ils les voient et «glorifient [notre] Père qui est dans les cieux» (v. 16) ? Les grandes assemblées dénuées de piété ne signifient rien aux yeux de Dieu. Les anciens de l’Église devraient être disposés à perdre leur position dans l’Église plutôt que de permettre au péché flagrant d’y demeurer impuni.  

Dès lors que vous mettez l’accent sur la piété, vous constatez, dans la plupart des cas, que votre Église ne connaît pas la croissance la plus fulgurante. Jésus a dit: «Entrez par la porte étroite. Car large est la porte, spacieux le chemin qui mènent à la perdition, et il y en a beaucoup qui entrent par là. Mais étroite est la porte, resserré le chemin qui mènent à la vie, et il y en a peu qui les trouvent » (Mt 7.13,14). Les gens veulent appartenir à une Église où ils seront autorisés à vivre comme ils l’entendent, plutôt que d’être mis au défi de vivre selon la Parole de Dieu. Paul a averti Timothée que ce phénomène serait caractéristique des derniers temps. Il a dit: «Car il viendra un temps où les hommes ne supporteront pas la saine doctrine; mais, ayant la démangeaison d’entendre des choses agréables, ils se donneront une foule de docteurs selon leurs propres désirs, détourneront l’oreille de la vérité, et se tourneront vers les fables » (2 Ti 4.3,4). Ainsi, le fait qu’une Église soit remplie ne signifie pas nécessairement qu’elle est bénie de Dieu le Saint-Esprit. Bien souvent, c’est parce que le péché y est toléré. Ne suivez pas de tels exemples. Ils vont à l’encontre de la raison d’être même de l’Église. 

Nous devons rechercher une véritable croissance spirituelle, mais nous ne devrions pas pour autant mépriser les Églises qui acceptent la présence de beaucoup de non-chrétiens ; en effet, cela donne l’occasion aux non-croyants d’entendre l’Évangile. Tant que ces Églises ne transforment pas le culte en divertissement, nous devrions remercier Dieu pour la soif spirituelle dans la communauté, qui pousse les gens à fréquenter l’Église bien avant leur conversion. Nous pouvons accueillir ces grandes foules tant que les personnes non converties ne sont pas désignées comme des membres d’Église à part entière (souvent pour s’assurer de leur présence uniquement). Seules les personnes converties peuvent être ajoutées à la liste des membres de l’Église. 

La tragédie actuelle est que la croissance de l’Église en Afrique comprend majoritairement des personnes non converties. C’est un phénomène regrettable qui a abouti à de graves compromis spirituels. Les Églises sont devenues des clubs sociaux ou tribaux, plutôt que «l’Église du Dieu vivant, la colonne et l’appui de la vérité» (1 Ti 3.15). Cela doit changer si nous tenons à ce que l’Église glorifie Dieu. Notre soif de  nombres nous pousse à utiliser des moyens insidieux pour accroitre le nombre des membres. Un mauvais esprit de compétition entre les Églises vient parfois alimenter cela. Cessons d’essayer d’impressionner les autres et recherchons la gloire de Dieu seul! C’est ce qui nous poussera à nous soucier du salut des âmes avant de les amener à devenir des membres d’Église. 

La qualité avant la quantité

Nous vivons à une époque où les nombres comptent beaucoup. La qualité est sacrifiée au profit de la quantité. Les entreprises le font et s’en tirent souvent à bon compte. Cette attitude du monde semble s’être immiscée dans l’Église. Si les chiffres sont mis en avant aujourd’hui, ce n’est pas ce qui compte le plus aux yeux de Dieu. Le budget de l’Église ne reflète pas nécessairement sa spiritualité. Ainsi donc, lorsque nous recherchons la croissance numérique, ne le faisons pas au détriment de la croissance spirituelle. Les deux doivent aller de pair. Si, par fidélité à la vérité, l’Église traverse une longue période de faible croissance ou de stagnation, que le peuple de Dieu ne se décourage pas et qu’il reste fidèle à son Seigneur ! C’est ce qui compte par-dessus tout. 


Cet article est adapté du livre : « Le dessein de Dieu pour l’Église » de Conrad Mbewe