Jésus est venu pour la joie qui l’attendait

Le bonheur du Christ

Thomas Goodwin a écrit ceci : « La joie, la consolation, le bonheur et la gloire de Christ sont accrus et élargis par… »

Comment finiriez‑vous cette phrase ?

Il existe diverses réponses bibliques à cette question, et nous devrions éviter d’opter pour un portrait de Christ unidimensionnel, qui en favorise une au détriment des autres. Nous aurions raison de dire que Jésus se réjouit de voir ses disciples renoncer à tout pour le suivre (Mc 10.21‑23). Il serait également pertinent de voir Christ se réjouir du fait que la fidélité des croyants en peu de chose les prépare à se montrer fidèles lorsqu’il leur en confiera beaucoup (Mt 25.21,23). Nous pouvons affirmer qu’il se réjouit du fait que son Père révèle ses vérités divines à ceux qui ressemblent à des enfants plutôt qu’à ceux dont l’intelligence est exceptionnelle (Lu 10.21).

Il y a toutefois une vérité tout aussi biblique que nous mettons plus facilement à l’écart lorsque nous pensons à Christ. Nous, les chrétiens, savons intuitivement que nous sommes agréables à Christ lorsque nous l’écoutons et lui obéissons. Et s’il s’intéressait à nos faiblesses et à nos échecs, et qu’il se réjouissait de nous aider ?

Voici dans son intégralité la phrase de Goodwin : « La joie, la consolation, le bonheur et la gloire de Christ sont accrus et élargis lorsqu’il procure aux membres de son corps ici‑bas grâce, miséricorde, pardon, apaisement et consolation[1]. »

Un médecin compatissant se rend au cœur de la jungle afin d’apporter des soins médicaux à une tribu primitive luttant contre une maladie contagieuse. Il fait venir son équipement par avion. Il diagnostique correctement le problème et obtient les antibiotiques nécessaires, qu’il met à la disposition de la tribu. Étant financièrement autonome, il n’a nul besoin qu’on le rémunère. En revanche, lorsqu’il s’apprête à offrir ses soins, les malades s’y refusent. Ils veulent se soigner eux‑mêmes. Ils veulent guérir selon leurs propres conditions. Finalement, quelques jeunes hommes courageux acceptent de recevoir les soins qui leur sont offerts gratuitement.

Que ressent alors le médecin ?

De la joie.

Sa joie augmente proportionnellement au nombre de malades qui viennent à lui pour obtenir de l’aide et la guérison. C’est précisément pour cette raison qu’il est venu auprès d’eux. Et sa joie sera d’autant plus grande si les malades en question ne sont pas des étrangers, mais bien des membres de sa propre famille. Ainsi en va‑t‑il pour nous avec Christ. Il n’est ni irrité ni contrarié lorsqu’au milieu de la détresse, dans le besoin et avec un sentiment de vide intérieur, nous venons à lui pour implorer une fois de plus son pardon. C’est justement ce qu’il est venu guérir. Il est descendu dans les horribles tréfonds de la mort et en est ressorti pour offrir à son peuple sa miséricorde et sa grâce d’une infinie richesse.

Le désir profond du Jésus

Goodwin va toutefois plus loin en affirmant que Jésus ne veut pas que nous puisions dans sa grâce et sa miséricorde uniquement parce qu’elles justifient son œuvre expiatoire. Il le veut parce qu’elles le définissent. Il s’est approché de nous par son incarnation afin que sa joie et la nôtre correspondent – lui en nous procurant sa miséricorde, et nous en la recevant. Goodwin va jusqu’à dire que Christ éprouve plus de joie et de réconfort que nous lorsque nous venons à lui afin d’obtenir son aide et sa miséricorde. De la même manière qu’un mari aimant puise un plus grand soulagement et un plus grand réconfort dans la guérison de sa femme que dans la sienne, Christ « éprouve un plus grand réconfort […] que celui que nous en tirons » lorsqu’il voit nos péchés disparaître sous son propre sang[2].

En réfléchissant à Christ comme notre Médiateur céleste – c’est‑à‑dire celui qui élimine tout ce qui nous empêcherait de jouir d’une amitié avec Dieu –, il écrit :

[La] gloire et le bonheur de Christ [sont] élargis et accrus dans la mesure où les membres de son corps s’approprient toujours plus sa mort rédemptrice, de sorte que, lorsque leurs péchés sont pardonnés, leur cœur est plus sanctifié et leur esprit est réconforté, il voit le fruit de son labeur, et il en tire du réconfort, car il en est d’autant plus glorifié, oui, il en éprouve beaucoup plus de plaisir et de joie qu’eux. Et cela nourrit dans son cœur l’intérêt et l’amour qu’il voue à ses enfants ici‑bas, ainsi que son désir de les rafraîchir constamment[3].

Traduction : Lorsque l’on se présente à Christ pour implorer sa miséricorde, son amour et son aide alors que l’on se sent anxieux, perplexe et impie, on abonde dans le sens de ses propres souhaits, plutôt que d’aller à leur encontre.

Nous avons tendance à penser que, lorsque nous nous approchons, miséreux, de Jésus pour implorer sa miséricorde en raison de nos péchés, nous le dévalorisons, nous le diminuons, nous l’appauvrissons. Or, Goodwin est d’un autre avis. Jésus nous étonne en « accomplissant des actes de grâce, et du fait qu’il recherche toujours le bien des membres de son corps […] qu’il leur accorde pleinement miséricorde, grâce, consolation et félicité, il devient lui‑même d’autant plus riche en les remplissant[4] ». Étant le vrai Dieu, Christ ne peut connaître une plénitude plus grande ; il a part à la plénitude immortelle, éternelle et immuable du Père. Toutefois, comme Christ est pleinement homme, le fait que nous venions à lui n’a pas pour effet de le lasser, mais plutôt de le combler.

Autrement dit, lorsque nous hésitons à nous approcher de Christ, en restant tapis dans les ténèbres, apeurés et défaillants, nous nous privons non seulement d’un grand réconfort, mais nous privons aussi Christ du sien. Il vit précisément dans ce but. C’est ce qu’il se plaît tant à faire. Sa joie et la nôtre correspondent.

Mais cette notion est‑elle biblique ?

Considérons Hébreux 12. L’auteur dit de Jésus qu’il « suscite la foi et la mène à la perfection ; en échange de la joie qui lui était réservée, il a souffert la croix, méprisé l’ignominie, et s’est assis à la droite du trône de Dieu » (v. 2).

« [En] échange de la joie. » Quelle joie ? Qu’est‑ce qui attendait Jésus de l’autre côté de la croix ?

La joie de voir son peuple être pardonné.

Rappelez‑vous tout le sujet de l’épître aux Hébreux : Jésus est le Souverain Sacrificateur ayant mis fin à la succession des principaux sacrificateurs, qui a accompli le sacrifice expiatoire final servant à couvrir entièrement les péchés de son peuple afin que ce dernier reçoive « parfaitement » son pardon (7.25). Et n’oubliez pas le message que l’auteur veut transmettre à la fin d’Hébreux 12.2, quand il déclare que Jésus s’est assis à la droite de Dieu. Ailleurs, l’auteur de l’épître aux Hébreux s’explique :

Il a fait la purification des péchés et s’est assis à la droite de la majesté divine dans les lieux très hauts (1.3).

Le point capital de ce qui vient d’être dit, c’est que nous avons un tel souverain sacrificateur, qui s’est assis à la droite du trône de la majesté divine dans les cieux (8.1).

[Lui], après avoir offert un seul sacrifice pour les péchés, s’est assis pour toujours à la droite de Dieu (10.12).

Dans tous ces passages, l’auteur associe le fait que Jésus est assis à la droite de Dieu avec son œuvre expiatoire et sacerdotale. Le sacrificateur faisait le pont entre Dieu et l’humanité. Il rétablissait la connexion entre le ciel et la terre. C’est ce que Jésus a accompli au suprême degré par le sacrifice inégalable et ultime de sa personne, purifiant ainsi son peuple une fois pour toutes, le lavant de ses péchés. C’est la joyeuse anticipation de voir son peuple être purifié de manière irrévocable qui l’a accompagné tout au long de son arrestation, sa mort, son ensevelissement et sa résurrection. Lorsque nous participons aujourd’hui à son œuvre expiatoire – en venant à Christ pour obtenir son pardon, en communiant avec lui malgré notre état de pécheur, nous nous approprions la joie et le désir les plus profonds de Christ même.


Cet article est adapté du livre : « Doux et humble de coeur » de Dane Ortlund


[1] Thomas Goodwin, The Heart of Christ, trad. libre, Édimbourg, Banner of Truth, 2011, p. 107. Sibbes écrit similairement : « Nous ne saurions plus plaire à Christ qu’en accueillant avec joie sa générosité et en y participant. Nous faisons ainsi honneur à sa richesse. » Richard Sibbes, « Bowels Opened, or A Discovery of the Near and Dear Love, Union, and Communion, Between Christ and the Church », dans The Works of Richard Sibbes, trad. libre, A. B. Grosard, éd., 7 vol., réimpr., Édimbourg, Banner of Truth, 1983, vol. 2, p. 34.

[2] Goodwin, The Heart of Christ, p. 108.

[3] Goodwin, The Heart of Christ, p. 111‑112.

[4] Goodwin, The Heart of Christ, p. 111. Le mot félicité est un terme ancien qui désigne le bonheur. Un autre pasteur âgé en parle de manière émouvante : « Si vous rencontrez ce malheureux qui m’a percé le côté, dites‑lui qu’il existe une autre façon, une meilleure façon, de toucher mon cœur : qu’il se repente, lève les yeux sur celui qu’il a percé et pleure. Je le chérirai dans le sein même qu’il a blessé ; il trouvera dans le sang qu’il a fait couler une expiation suffisante pour son péché. Et dites‑lui pour moi qu’il aggravera ma souffrance et mon déplaisir s’il refuse l’offre de mon sang plus que lorsqu’il l’a fait couler. » Benjamin Grosvenor, « Grace to the Chief of Sinners », dans A Series Of Tracts On The Doctrines, Order, And Polity Of The Presbyterian Church In The United States Of America, vol. 3, trad. libre, Philadelphie, Presbyterian Board of Publication, 1845, p. 42‑43. Je suis reconnaissant envers Drew Hunter d’avoir attiré mon attention sur cette référence.