Je propose que nous ne votions pas autant ! (Greg Gilbert)

Il existe un phénomène intéressant que j’ai remarqué dans les Églises évangéliques : plus l’Église est petite, plus les votes sont fréquents. La plupart des méga-Églises dans le monde évangélique ne semblent pas voter souvent en assemblée. Elles tiennent une, deux ou trois réunions des membres par année (si c’est le cas), et c’est habituellement pour régler des dossiers majeurs comme l’achat d’un terrain, l’adoption d’un budget de plusieurs millions de dollars, la recherche d’un pasteur principal ou autre, et c’est à peu près tout. L’assemblée ne fait pas grand-chose. Dans beaucoup de ces grandes Églises, l’assemblée ne vote même pas pour les nouveaux membres ou pour les cas de discipline. Ce sont les dirigeants qui s’occupent de ces questions.

C’est différent dans les petites Églises – très différent. Dans une petite Église, vous devez habituellement voter sur tout. Notre Église, par exemple, avait l’habitude d’exiger que toute dépense de plus de 150 $ soit approuvée par l’assemblée ! Pire encore, un membre pouvait faire une proposition au moment des « Affaires nouvelles » pour faire à peu près n’importe quoi, et l’assemblée devait délibérer et voter à ce sujet : garder les rideaux ouverts ou les fermer, demander à la directrice de la garderie d’acheter un nouveau puzzle ou lui demander de retourner celui qu’elle a acheté la semaine dernière…

On pouvait y entendre des propositions comme celle-ci : « Je propose que nous utilisions du jus de raisin de telle marque parce que je n’aime pas la couleur de l’autre », « Je propose d’amender cette proposition pour proposer une autre marque à cause de la différence de prix », « Je ne suis pas d’accord, car la couleur de cette marque de jus n’est pas belle non plus », et ainsi de suite.

Sur quoi l’Église devrait-elle voter ?

Au cours des années qui se sont écoulées depuis ces jours heureux, notre Église s’est transformée en une assemblée dirigée par des anciens, et nous avons dû nous interroger sur la façon dont cette nouvelle gouvernance devrait fonctionner. Sur quoi l’Église devrait-elle voter ? Sur tout ? Sur rien ? Quelles décisions les anciens et les autres responsables de l’Église devraient-ils être en mesure de prendre sans un vote de l’assemblée ? Je dirais (selon ma conviction actuelle, car je pourrais être convaincu du contraire ; c’est la raison d’être des blogs, n’est-ce pas, de favoriser la discussion) qu’il n’y a en réalité que cinq choses sur lesquelles une assemblée devrait voter, dont trois pour lesquelles je vois une instruction biblique claire, et dont les deux autres doivent essentiellement être envisagées avec prudence. Les voilà, elles apparaissent ci-dessous :

5 choses sur lesquelles une assemblée devrait voter

1. L’adhésion des membres et la discipline d’Église

Voici les deux faces d’une même médaille. L’assemblée dans son ensemble doit décider qui fait partie de sa communauté et qui n’en fait pas partie. C’est ce qui ressort le plus clairement de l’enseignement biblique sur la discipline d’Église. Dans Matthieu 18 et 1 Corinthiens 5, c’est l’Église dans son ensemble qui prend la décision d’exclure un membre. De plus, elle exerce cette discipline en votant (notez l’utilisation du terme « le plus grand nombre » par Paul dans 2 Corinthiens 2.6). Étant donné cela, il est logique que l’assemblée vote aussi sur celui ou celle qui se joint à sa communauté.

2. Le leadership

Je ne vois rien d’explicite dans le Nouveau Testament, que ce soit par un commandement ou par un exemple, sur le fait que les membres de l’Église doivent voter pour élire leurs anciens. Cependant, dans Actes 6, il est clair qu’ils ont élu, ou au moins d’une manière ou d’une autre « choisi parmi eux », leurs propres diacres. À cause de cela, et aussi à cause du fait qu’un ancien fautif doit être réprimandé publiquement (1 Timothée 5.20), je dirais que l’assemblée dans son ensemble devrait choisir ses propres dirigeants. Elle devrait voter pour ses anciens et ses diacres.

3. La doctrine

Dans Galates 1, Paul tient toute l’assemblée redevable de ce qui lui est enseigné. Si on laisse une fausse doctrine prendre racine dans l’Église, c’est la faute de toute l’assemblée. De plus, l’Église dans son ensemble doit frapper d’anathème les faux évangiles, ainsi que les enseignants qui les propagent. C’est pourquoi je crois que l’assemblée devrait voter sur l’adoption ou la modification de sa confession de foi.

[4. Le budget]

Mon avis sur ce point estmoins ferme que pour les autres, mais je pense toujours qu’il est sage pour l’Église de voter sur son budget. C’est en partie pour des raisons légales, et en partie parce qu’il semble simplement bon pour l’Église de « s’approprier » son plan de dépenses. Le fait est qu’ils vont « voter » sur le plan de dépenses de l’Église de toute façon avec leurs dons ou leur absence. Il semble donc bénéfique de le faire dès le départ. D’ailleurs, il existe peut-être un précédent biblique pour cela ­ même s’il ne s’agit pas d’une prescription formelle ­ dans le fait que les Macédoniens demandent « avec de grandes instances » à Paul de les laisser faire une contribution en faveur des saints de Jérusalem qui sont dans le besoin (voir Romains 15.26 et 2 Co 8.3,4).

[5. Les règlements]

C’est aussi une question de prudence. Bien qu’il y ait évidemment quelques règles auxquelles une Église de Jésus-Christ soit tenue par les Écritures de se conformer, on ne voit pas les Églises voter sur des règlements dans le Nouveau Testament. Cela semble toutefois une bonne idée que l’Église accepte officiellement les règles selon lesquelles elle va fonctionner. Donc, cela signifie qu’il faut voter sur sa propre constitution ou ses propres règlements. Pour notre Église, cela signifiait voter en faveur de l’adoption d’une constitution qui limite assez strictement (mais pas entièrement) les votes à ces cinq domaines. En d’autres termes, l’assemblée a voté pour déléguer une grande partie de la responsabilité de la prise de décision à ses dirigeants, en ne prenant en main que les choses que l’Écriture lui confie explicitement ou implicitement, ainsi que quelques autres pour des raisons de prudence.

Le résultat de tout cela a permis à nos réunions des membres de connaître des moments merveilleusement encourageants. L’assemblée sait où elle doit exercer son autorité, elle sait ce qu’elle a délégué aux autres, et elle vote sur les questions importantes pour lesquelles elle est chargée de se prononcer. Nous entendons les rapports des dirigeants sur les autres décisions qui ont été prises et appliquées, mais nous ne nous enlisons pas dans les propositions mineures, les discussions et les votes « décousus » découlant de la rubrique « Affaires nouvelles ».

En fait, l’Église a appris au fil du temps que la plupart des propositions de l’assemblée seront jugées irrecevables de toute manière, puisque que la plupart de celles-ci, à moins qu’elles n’entrent dans les catégories ci-dessus, reviendraient finalement à ce que l’assemblée « micro-gère » une décision qu’elle a déjà – dans sa constitution et son élection des dirigeants – déléguée à quelqu’un d’autre, c’est-à-dire généralement aux anciens ou à un diacre en particulier.

Par exemple, si une proposition d’achat d’un nouveau microphone pour la chaire était présentée par l’assemblée, le président de la réunion jugerait probablement cette proposition comme étant irrecevable, expliquant doucement que l’Église déléguait déjà le pouvoir de prendre de telles décisions à son diacre en charge de la sonorisation et qu’elle ne peut plus intervenir pour s’en occuper. (Mais ce diacre devrait probablement examiner de plus près le microphone !) C’est la même chose si quelqu’un proposait qu’on interdise à ce diacre d’acheter un nouveau microphone : ce serait contraire au règlement, parce que les décisions de ce genre sont confiées à ce responsable, et l’assemblée ne devrait pas faire de la « micro-gestion » après avoir délégué.

Bien sûr, il y a toujours des soupapes de sécurité en cas d’urgence. Les anciens peuvent immédiatement démettre de ses fonctions un diacre qui serait malhonnête, par exemple. De plus, l’Église elle-même peut unilatéralement et immédiatement démettre ses anciens ou ses diacres s’il le faut (c’est le point no 2 ci-dessus), et elle peut aussi changer sa constitution (voir point no 5). Mais il s’agit bien sûr de mesures d’urgence, et l’Église ne les utiliserait qu’en cas de situation critique.