Dieu est-il la « cause » du péché ? (David Mathis)

Ce qui suit est tiré de The Doctrine of God (trad. La Doctrine de Dieu), chapitre 9, « Le problème du mal », par John Frame. Les titres sont ajoutés ; les paragraphes sont ceux du Dr. Frame.

Dieu cause-t-il le péché ?

Le terme « cause » est un autre terme qui a donné lieu à beaucoup de luttes entre les théologiens. . . . Les auteurs réformés ont… nié que Dieu soit la cause du péché. Calvin enseigne : « Car la cause propre et véritable du péché n’est pas le conseil caché de Dieu, mais la volonté évidente de l’homme. » (1) Cependant, dans le contexte, il déclare également que la chute d’Adam « n’était pas sans que Dieu le sache et l’ordonne ». (2) Quelques autres exemples :

Veillez à ne pas faire de Dieu l’auteur du péché, en imputant à son décret sacré les échecs des hommes, comme si c’était là la cause ou l’occasion de ces échecs, ce qui, nous en sommes sûrs, n’est pas et ne peut pas être, pas plus que le soleil ne peut être la cause des ténèbres. (3)

C’est [Dieu] qui a créé, préserve, actualise et dirige toutes choses. Mais il ne s’ensuit nullement, de ces prémisses, que Dieu soit donc la cause du péché, car le péché n’est rien d’autre qu’une anomia, une illégalité, un manque de conformité à la loi divine (1 Jean 3.4), une simple privation de droiture ; par conséquent, étant lui-même une chose purement négative, il ne peut avoir aucune cause positive ou efficiente, mais seulement une cause négative ou déficiente, comme l’ont remarqué plusieurs hommes érudits. (4)

Selon les Canons de Dort, « La cause ou la faute de cette incrédulité, comme de tous les autres péchés, n’est pas du tout en Dieu, mais en l’homme » (1.5).

Causer et ordonner

Dans ces citations, la cause semble prendre les connotations du terme auteur. Pour ces auteurs, dire que Dieu « cause » le mal revient à dire, ou peut-être à sous-entendre, qu’il en est responsable. Notez l’expression « cause ou faute » dans les Canons de Dort, où les termes semblent être traités comme des synonymes. Mais notez ci-dessus que si Calvin rejette la notion de cause, il affirme celle d’ordination. Dieu n’est pas la « cause » du péché, mais il arrive par son « ordination ». Pour le lecteur moderne, la distinction n’est pas évidente. Ordonner, c’est causer, et vice versa. Si la causalité implique le blâme, alors l’ordination semble l’impliquer également ; sinon, aucun des deux ne l’implique. Mais de toute évidence, dans le vocabulaire de Calvin et de ses successeurs, il y avait une différence entre les deux termes.

Nous pouvons dire que Dieu cause le péché

Pour nous, la question se pose de savoir si Dieu peut être la cause efficiente du péché, sans en être responsable. Les théologiens les plus anciens niaient que Dieu soit la cause efficiente du péché. . . . [en partie] parce qu’ils identifiaient la cause à l’auteur. Mais si . . . le lien entre la cause et la faute dans le langage moderne n’est pas plus fort que le lien entre l’ordination et la faute, alors il me semble qu’il n’est pas faux de dire que Dieu cause le mal et le péché. Il est certain que nous devrions employer un tel langage avec prudence, cependant, compte tenu de la longue histoire de son rejet dans la tradition.

Causes éloignées et causes immédiates

Il est intéressant de noter que Calvin utilise le terme de cause, en se référant à l’action de Dieu dans l’apparition du mal, lorsqu’il fait la distinction entre Dieu comme « cause éloignée » et l’action humaine comme « cause immédiate ». Affirmant que Dieu n’est pas « l’auteur du péché », il dit que « la cause immédiate est une chose, la cause éloignée en est une autre ». (5) Calvin fait remarquer que lorsque des hommes méchants volent les biens de Job, celui-ci reconnaît que « l’Éternel a donné et l’Éternel a repris ; que le nom de l’Éternel soit loué ». Les voleurs, cause immédiate du mal, sont coupables ; mais Job ne met pas en doute les motivations du Seigneur, cause éloignée. Calvin ne croit cependant pas que la distinction immédiate/ultime soit suffisante pour nous montrer pourquoi Dieu est sans culpabilité :

Mais comment il a été ordonné par la prescience et le décret de Dieu quel était l’avenir de l’homme sans que Dieu soit impliqué comme associé dans la faute comme auteur et approbateur de la transgression, est clairement un secret qui dépasse tellement la perspicacité de l’esprit humain, que je n’ai pas honte de confesser mon ignorance. (6)

Il utilise la distinction immédiate/éloigné uniquement pour distinguer entre la causalité de Dieu et celle des créatures, et donc pour affirmer que la première est toujours juste. Mais il ne croit pas que cette distinction résolve le problème du mal. . . .

Au moins, la discussion ci-dessus indique que Calvin est prêt, dans certains contextes, à se référer à Dieu comme à une cause du péché et du mal. Calvin décrit également Dieu comme la seule cause de l’endurcissement et de la réprobation des méchants :

Par conséquent, si nous ne pouvons assigner aucune raison pour qu’il fasse miséricorde à son peuple, sinon que cela lui plaît d’agir ainsi, nous ne pouvons pas non plus avoir de raison pour qu’il réprouve les autres, sinon sa volonté. Lorsqu’il est dit que Dieu fait miséricorde ou endurcit qui il veut, il est rappelé aux hommes qu’ils ne doivent pas chercher de cause en dehors de sa volonté. (7)


Notes :

(1)  Calvin, Concerning the Eternal Predestination of God (Londres : James Clarke and Co., 1961), 122 (trad. Sur l’éternelle prédestination de Dieu).

(2)  Ibid, 121.

(3)  Elisha Coles, A Practical Discourse on God’s Sovereignty (Marshallton, DE : The National Foundation for Christian Education, 1968), 15 (trad. Un discours pratique sur la souveraineté de Dieu). Réimpression d’un ouvrage du XVIIe siècle.

(4)  Jérôme Zanchi, Observations On the Divine Attributes, in Absolute Predestination (Marshallton, DE : National Foundation for Christian Education, nd), 33 (trad. Observations sur les attributs divins, dans la prédestination absolue). Comparez les formulations des dogmaticiens post-réforme Polan et Wolleb dans Reformed Dogmatics, 143, et de Mastricht dans 277. Tous ces dogmatiques fondent leurs arguments sur la prémisse que le mal est une simple privation.

(5)  Calvin, op. cit., 181.

(6)  Ibid, 124.

(7)  Calvin, Institution 3.22.11. Comparer avec 3.23.1.


Cet article est une traduction de l’article anglais « Does God ‘Cause’ Sin? » du ministère Desiring God par Timothée Davi.