Dieu est‐il arbitraire ? (R.C. Sproul)

Le fait que Dieu nous choisit non pas en raison de ce qu’il trouve en nous, mais de son bon plaisir, en pousse certains à l’accuser de se montrer arbitraire. Ils soutiennent que Dieu effectue sa sélection selon ses caprices. D’après eux, notre élection semble résulter d’une loterie à l’aveugle et frivole. Si nous sommes élus, c’est uniquement par chance. Dieu a tiré notre nom d’un chapeau céleste.

Dieu est aussi sensé qu’il est souverain

Or, se montrer arbitraire revient à faire quelque chose sans raison. Il est clair qu’il n’y a aucune raison en nous pour laquelle Dieu nous choisirait. Ce n’est toutefois pas comme dire que Dieu n’a aucune raison en lui-même. Dieu ne fait rien sans raison. Il n’est pas capricieux. Il est aussi sensé qu’il est souverain.

On fait intentionnellement reposer la loterie sur la chance. Or, Dieu n’agit pas par chance. Il savait qui il allait sélectionner. Il a connu d’avance – c’est-à-dire qu’il a aimé d’avance – ses élus. Dieu n’a pas agi à l’aveuglette, car il n’est pas aveugle. Nous devons cependant insister sur le fait qu’il ne nous a pas choisis en raison de quelque chose qu’il a connu d’avance, vu d’avance ou aimé d’avance en nous.

Les calvinistes rechignent en général à parler de chance. Au lieu de souhaiter « bonne chance », nous dirions peut-être « bénédictions providentielles ». Par contre, si nous devions parler de notre « jour de chance », nous marquerions ce jour dans l’éternité comme celui où Dieu a décidé de nous choisir.

Tournons notre attention vers l’enseignement que Paul a apporté sur le sujet dans l’épître aux Éphésiens :

Béni soit le Dieu et Père de notre Seigneur Jésus-Christ, qui nous a bénis de toute bénédiction spirituelle dans les lieux célestes en Christ ! En lui Dieu nous a élus avant la fondation du monde, pour que nous soyons saints et irréprochables devant lui ; il nous a prédestinés dans son amour à être ses enfants d’adoption par Jésus-Christ, selon le bon plaisir de sa volonté, pour célébrer la gloire de sa grâce dont il nous a favorisés dans le bien-aimé (1.3-6).

Selon le bon plaisir de Dieu

Selon le bon plaisir de sa volonté. Voilà l’affirmation apostolique qui semble suggérer l’arbitraire divin. Le mot plaisir en est le premier responsable. Dans notre vocabulaire, nous donnons souvent au mot plaisir le sens d’un abandon fou et désinvolte. Le plaisir est ce qui nous fait nous sentir bien, quelque chose aux connotations sensuelles et émotionnelles. Nous sommes conscients des vices qui nous procurent un plaisir impie.

Lorsque la Bible parle du plaisir de Dieu, elle n’utilise pas ce terme dans un sens frivole. Ici, le plaisir désigne simplement « ce qui est agréable ». Dieu nous prédestine selon ce qui lui plaît. La Bible parle du bon plaisir de Dieu. Nous ne devons jamais confondre son bon plaisir avec un plaisir impie. Ce qui plaît à Dieu est bon. Ce qui nous plaît ne l’est pas toujours. Dieu ne prend jamais plaisir au mal. Il n’y a rien de mal dans le bon plaisir de sa volonté. Bien que la raison pour laquelle nous sommes choisis ne repose pas en nous, mais dans le plaisir divin et souverain, nous avons l’assurance que celui-ci est un bon plaisir.

Nous nous rappellerons aussi l’exhortation que l’apôtre a adressée aux chrétiens de Philippes : 

« [Mettez] en œuvre votre salut avec crainte et tremblement, non seulement comme en ma présence, mais bien plus encore maintenant que je suis absent ; car c’est Dieu qui produit en vous le vouloir et le faire, selon son bon plaisir » (Ph 2.12,13).

Dans ce passage, Paul n’enseigne pas que l’élection constitue une entreprise commune entre Dieu et l’homme. L’élection constitue l’œuvre exclusive de Dieu. Comme nous l’avons vu, elle constitue une monergie. Paul parle ici de la réalisation de notre salut qui suit notre élection. Il parle spécifiquement du processus de notre sanctification. La sanctification ne constitue pas une monergie. Il s’agit d’une synergie. Autrement dit, elle exige la coopération du croyant régénéré. Nous sommes appelés à faire le nécessaire pour grandir en grâce. Nous devons travailler dur, résister au péché jusqu’au sang si nécessaire, faire violence à notre corps s’il le faut pour l’assujettir.

Nous sommes appelés à cette œuvre sobre de sanctification par une sommation divine. Cette œuvre doit s’accomplir avec crainte et tremblement. Notre sanctification n’est pas une question banale. Nous ne l’abordons pas de manière cavalière, en disant simplement : « Abandonnons-nous et laissons Dieu agir. » Dieu ne fait pas tout à notre place.

Dieu ne nous laisse pas non plus œuvrer à notre salut par nous-mêmes, selon nos propres forces. Il nous a promis d’œuvrer en nous le vouloir et le faire par rapport à ce qui lui est agréable.

J’ai entendu un jour un sermon du grand prédicateur écossais Eric Alexander dans lequel il insistait sur le fait que Dieu œuvre en nous selon son bon plaisir. Paul ne dit pas que Dieu œuvre en nous selon notre bon plaisir. Ce que Dieu accomplit dans notre vie ne nous plaît pas toujours entièrement. Il arrive parfois que le dessein de Dieu entre en conflit avec le nôtre. Je ne choisis jamais de souffrir exprès. Il se peut néanmoins qu’il soit de la volonté souveraine de Dieu que je souffre. Il nous promet que, selon sa souveraineté, il fait concourir toutes choses au bien de ceux qui l’aiment et qui sont appelés selon son dessein (voir Ro 8.28).

Mes desseins n’incluent pas toujours ce qui est selon le bon plaisir de Dieu. Je suis un pécheur. Heureusement pour nous, Dieu n’en est pas un. Il est parfaitement juste (voir Ps 89.15). Ses desseins sont justes, toujours et en tout lieu. Ses desseins concourent à mon bien, même s’ils entrent en conflit avec les miens. Peut-être devrais-je dire surtout lorsque ses desseins entrent en conflit avec les miens. Ce qui lui est agréable est bon pour moi. Il s’agit là d’ailleurs d’une des leçons les plus difficiles à apprendre pour les chrétiens.

Notre élection est inconditionnelle, sauf pour une chose. Avant que Dieu nous élise, il y a une exigence à laquelle nous devons satisfaire. Pour être élus, nous devons d’abord être des pécheurs.

Dieu n’élit aucun juste à salut. Il n’a pas besoin de le faire, puisque les justes n’ont pas besoin d’être sauvés. Seuls les pécheurs ont besoin d’un Sauveur. Les bien-portants n’ont pas besoin d’un médecin. Christ est venu chercher et sauver les gens qui étaient réellement perdus. Dieu l’a envoyé dans le monde non seulement pour rendre notre salut possible, mais aussi pour l’assurer. Christ n’est pas mort en vain. Ses brebis sont sauvées au moyen de sa vie sans péché et de sa mort expiatoire. Il n’y a là rien d’arbitraire.


Cet article est tiré du livre : Choisis par Dieu de R. C. Sproul