Comment Dieu définit-il la famille ? (Steven Wedgeworth)

Cet article fait partie de la série : « Desiring God sur la famille ».

L’année dernière, le célèbre éditorialiste David Brooks a soutenu que « la famille nucléaire était une erreur ». Brooks a présenté l’exemple plus ancien des réseaux de parenté élargie comme un modèle supérieur, mais il a également exprimé son intérêt pour la « parenté non biologique » et les relations « analogues à celles entretenues par une famille ».

Plus radicalement, « Black Lives Matter » a proclamé son désir de « perturber la structure familiale nucléaire prescrite par l’Occident ». Dans le même temps, les mises en garde contre « l’idolâtrie de la famille » sont de plus en plus fréquentes. Au mieux, ces arguments visent à nous rappeler de ne pas faire passer le bien terrestre de la vie familiale avant la fidélité à Christ (comme le dit Christ lui-même, Matthieu 10.37). Dans le pire des cas, cependant, ils insinuent que les devoirs familiaux devraient passer après les programmes de l’Église ou les formes de travail charitable, l’activisme politique ou même les mesures sociales révolutionnaires.

Pour penser correctement à la place de la famille dans nos vies (et dans le plan de Dieu pour le monde), nous devons laisser nos imaginations être formées par les Écritures. Pour ce faire, nous nous appuierons sur l’ensemble des Écritures, ainsi que sur le meilleur de l’histoire chrétienne, afin de ne pas développer notre argument tout en étant déconnecté de la tradition chrétienne et le support qu’elle peut apporter. Nous verrons que des groupes comme la Presbyterian Church in America (trad. l’Église presbytérienne d’Amérique) ont raison d’affirmer que « la famille, telle qu’elle a été ordonnée par Dieu, est l’institution de base de la société » (PCA Book of Church Order 49-4 ; trad. Livre du règlement de l’Église PCA).

Et nous verrons que cette famille est définie comme le couple mari-femme, ainsi que leurs enfants (tant qu’ils restent sous la garde des parents). La famille aime et soutient certainement d’autres groupes sociaux, en particulier la famille élargie et la communauté de l’Église, mais la famille naturelle ou domestique n’est jamais absorbée ou remplacée par ces groupes. Au contraire, les familles aiment et soutiennent les autres précisément en étant le bon type de famille.

La cloche d’ouverture (de mariage)

La Bible s’ouvre sur un individu solitaire, mais il n’est pas autorisé à le rester longtemps. « Il n’est pas bon que l’homme soit seul » (Genèse 2.18). Dieu fait alors venir chaque animal devant l’homme pour qu’il soit jugé et nommé, et le résultat est qu’« il ne trouva pas d’aide qui soit son vis-à-vis » (Genèse 2.20). L’histoire souligne son besoin d’une certaine forme de compagnie, et c’est ainsi qu’Ève est créée de ses propres côtes (Genèse 2.21-23).

Le Nouveau Testament explique que la femme a été prise de l’homme et pour l’homme, afin que les deux ne fassent qu’un (1 Corinthiens 11.8-9 ; Matthieu 19.5). Cette image s’oppose à toutes les théories qui suggèrent que le mariage est simplement une construction humaine, créée et peut-être abolie selon la volonté des individus. Au contraire, le mariage est naturel. Le mariage est créationnel.

La Genèse ajoute également une autre couche à cet ordre familial : « C’est pourquoi l’homme quittera son père et sa mère et s’attachera à sa femme, et ils ne feront qu’un » (Genèse 2.24). Ainsi, nous pouvons voir une distinction fondamentale entre le couple mari-femme et le réseau familial plus large.

Ainsi, la structure du clan ou de la parenté élargie est en fait un ensemble de familles conjugales qui vivent ensemble pour certaines raisons sociales, politiques ou économiques. Ces objectifs peuvent changer et changent effectivement en fonction des circonstances historiques et des besoins économiques. Il n’y a pas de mandat biblique pour un arrangement social particulier. Tout au long de la Bible, nous voyons des implantations agraires et des communautés urbaines, des tribus de familles étendues et des familles domestiques plus limitées. Mais le point de départ fondamental reste la paire dyadique. Les deux qui sont issus de l’un reviennent aussi à l’un, et cette paire peut et se sépare effectivement des autres paires sans perdre son identité.

Un trinôme

Bien sûr, le couple originel a été créé dans un but précis. Dieu leur avait dit « Reproduisez-vous, devenez nombreux, remplissez la terre et soumettez-la ! Dominez sur . . . tout animal qui se déplace sur la terre ! » (Genèse 1.28). Comme l’indique clairement le texte de Genèse 5.1-3, l’homme et la femme, qui ont été créés à la ressemblance de Dieu, font des enfants à leur propre image et ressemblance.

La procréation n’est donc pas ajoutée au mariage de manière purement volontaire, mais constitue plutôt l’un des objectifs initiaux du mariage. Herman Bavinck va même jusqu’à suggérer que cette procréation est elle-même un reflet de Dieu :

Le binôme du mari et de la femme s’élargit avec l’enfant pour devenir un trinôme. Le père, la mère et l’enfant sont une seule âme et une seule chair, développant et dévoilant l’image unique de Dieu, unie dans la triple diversité et diverse dans l’unité harmonique. (The Christian Family, 8 ; trad. La famille chrétienne)

Bavinck va même plus loin en affirmant que cet arrangement domestique est lui-même le fondement de tout autre ordre social :

L’autorité du père, l’amour de la mère et l’obéissance de l’enfant forment dans leur unité la triple corde qui lie et soutient toutes les relations dans la société humaine. . . . Ces trois caractéristiques et dons sont toujours nécessaires dans toute société et dans toute civilisation, dans l’Église et dans l’État. L’autorité, l’amour et l’obéissance sont les piliers de toute société humaine. (9)

L’Église n’est-elle pas notre famille ?

Les débats chrétiens sur ce sujet aboutissent souvent à une objection particulière.  L’Église n’est-elle pas notre nouvelle famille ? Et si oui, la communauté de l’Église ne devrait-elle pas remettre en question, et peut-être redéfinir, ce que nous entendons par le terme « famille » ?

Pour répondre à cette question, il nous faudra recourir à un peu de théologie systématique. Jésus dit effectivement que nous devons être prêts à haïr notre famille à cause de lui (Luc 14.26). Et il enseigne que « celui qui fait la volonté de mon Père céleste, celui-là est mon frère, ma sœur, ma mère » (Matthieu 12.50). Paul enseigne également que nous devons traiter les hommes âgés de l’Église comme des pères, les hommes plus jeunes comme des frères, les femmes âgées comme des mères et les femmes plus jeunes comme des sœurs (1 Timothée 5.1-2). Mais ces passages doivent être compris comme se référant en premier lieu au royaume spirituel.

Le royaume spirituel est, comme l’explique Jean Calvin, « la vie de l’âme » (Institution 3.19.15). Il concerne la relation directe de l’individu à Dieu en Christ, et il s’agit d’un forum sans médiation et d’une égalité totale. Tous les croyants doivent savoir ce qu’ils croient eux-mêmes et doivent être capables d’entrer en relation avec Dieu par eux-mêmes. Le seul médiateur, prêtre ou époux est le Seigneur Christ Jésus (1 Timothée 2.5 ; 2 Pierre 2.1 ; 2 Corinthiens 11.2). Dans notre position devant lui, il n’y a ni homme ni femme, ni Juif ni Grec (Galates 3.28). Nous sommes tous frères et sœurs sous un seul Dieu et Père.

Mais si nous prenions ces passages de façon isolée, de manière à déplacer les mariages terrestres et les distinctions sexuelles, alors nous devrions contredire les autres passages qui parlent des hommes et des femmes en tant que tels ou des maris, des épouses et des familles. Non, le même Nouveau Testament est clair : les maris doivent aimer leurs femmes (Éphésiens 5.25) et les femmes doivent se soumettre à leurs maris (Éphésiens 5.22). Dans le domaine spirituel, tous les chrétiens sont conjointement l’épouse mariée à Christ, mais dans le domaine temporel – notre vie dans le corps sur cette terre – il existe encore des unités familiales distinctes qui sont en relation avec des unités familiales externes en tant qu’amis et associés. Tout l’ordre social dépend de cette distinction fondamentale.

En tant que chrétiens, nous sommes appelés à chercher d’abord le royaume spirituel de Dieu (Matthieu 6.33). Nous enseignons donc à nos familles à faire exactement cela. Ils doivent étudier la Parole de Dieu, prier en tout temps, placer leur foi en Christ et faire le bien autour d’eux. Mais ils le font toujours en tant qu’humains sur la terre, ce qui signifie que ceux qui sont dans des familles le font en tant que familles.

Les familles dans l’Église

Bien sûr, tout le monde n’a pas une famille. Pour certains, la vie familiale a été perturbée par la mort, le divorce ou un grand péché. Les chrétiens pleurent la perte dans chacune de ces situations et offrent volontiers d’autres moyens de soutien. Nous voyons divers cas d’adoption dans la Bible, notamment par des cousins (Esther 2.7) et même par des beaux-parents (Ruth 1.16-17). En effet, dans le cas de Ruth, l’adoption semble être celle de la belle-mère par la belle-fille. Ruth se marie ensuite et fonde une nouvelle famille, entraînant Naomi avec elle.

Il existe également des cas de célibat, certains volontaires et d’autres non (Matthieu 19.12), et le Nouveau Testament enseigne que les chrétiens doivent utiliser une telle vocation pour maximiser leur service à Dieu (1 Corinthiens 7.32-35). Pour ceux qui ont cette vocation, il s’agit d’un véritable bien, qui peut même être considéré comme une exception héroïque. Les chrétiens qui ont cette vocation peuvent travailler pour le royaume d’une manière que les chrétiens mariés ne peuvent pas. C’est pourquoi Paul préfère la vie chrétienne célibataire (1 Corinthiens 7.6-8).

En même temps, il reconnaît qu’une telle vocation ne pourra jamais être normative, et il recommande ailleurs aux jeunes veuves de se remarier plutôt que de rester célibataires (1 Timothée 5.14). La vie de célibataire doit donc être célébrée pour ceux qui ont cette vocation spéciale, mais la vie de couple est la norme pour la plupart.

En fait, lorsque Paul aborde la nécessité de prendre soin des veuves dans le besoin au sein de l’Église, sa règle est que les veuves qui ont encore des membres de leur famille doivent s’adresser à eux en premier lieu (1 Timothée 5.4), et que l’Église en tant que telle doit donner la priorité au type de veuve qui « est restée toute seule » (1 Timothée 5.5). Jésus lui-même a reconnu la nécessité de prendre soin de Marie d’une manière distincte de celle dont il s’occupait des autres femmes (Jean 19.26-27).

À un autre endroit, Paul va même rediriger les questions sur l’enseignement de l’Église vers le foyer. S’il y a une question ou un débat, les femmes doivent en parler à leurs maris « à la maison » (1 Corinthiens 14.35). Le principe de base ici est cohérent avec les principes d’autorité et de juridiction tout au long de la Bible : prenez soin de votre foyer en premier (1 Timothée 3.4-5). C’est ce qu’on appelle le principe de subsidiarité, et cela signifie simplement que nous nous occupons mieux des autres lorsque ceux qui sont les plus proches en termes de relation et de juridiction détiennent la responsabilité première. Pour ce faire, l’Église doit avoir des familles.

La famille et ses amis

En construisant nos familles, nous ne les isolons pas pour autant du reste du monde.  Nous avons toujours des relations avec nos parents, ainsi que le devoir d’aider à prendre soin d’eux lorsqu’ils vieillissent (1 Timothée 5.4). Nous faisons toujours de la place dans nos vies pour les amis, comme Jésus lui-même l’a fait (Jean 15.15 ; Jean 11.3, 5 ; Jean 21.20, 24). Et dans l’Église, nous continuons à nous aimer les uns les autres et à « porte[r] les fardeaux les uns des autres » (Galates 6.2).

La meilleure façon pour les familles de maintenir et de cultiver ces relations est de refuser de les considérer comme une compétition. Et cela signifie qu’il faut refuser de les voir comme des rivaux ou comme des vocations sociales alternatives. La différence entre la famille et les amis est précisément que la famille ne fait qu’un et crée une identité singulière, alors que les amis conservent leur identité individuelle même s’ils s’unissent autour d’objectifs communs. Les familles deviennent des amis lorsqu’elles connaissent cette différence et l’acceptent.

Cela signifie que, précisément lorsque nous nous concentrons sur la famille, nous nous concentrons sur la manière dont la famille peut imiter Jésus en vivant de manière sacrificielle pour le bien du monde. Nous y parvenons non pas en cessant d’être des familles, mais plutôt en étant des familles de la manière la plus complète et la plus vraie qui soit. L’objectif biblique est que les foyers sanctifiés grandissent en Christ et lui rendent témoignage dans le monde entier.

Ainsi, alors que certains appellent à la fin de la famille nucléaire, nous ne pouvons pas si facilement rejeter l’unité familiale ordonnée par Dieu (un couple marié et des enfants) sans toucher à la pierre angulaire de la société et de l’Église. Au contraire, nous réaffirmons que la famille est la première société, puis nous l’utilisons pour construire de plus en plus de sociétés par la grâce de Dieu et dans la charité chrétienne.


Cet article est une traduction de l’article anglais « How Does God Define Family? » du ministère Desiring God par Timothée Davi.