Christ, le second Adam (Thomas Goodwin)

Adam, le représentant

Tout chrétien sait et confesse que le premier Adam était considéré par Dieu comme le chef et le représentant de toute sa postérité. Ses actes n’étaient pas individuels ou personnels, mais de telle nature que leurs conséquences devaient s’étendre jusqu’aux dernières feuilles de l’arbre dont il était le tronc. Ainsi, ses descendants auraient tous été bénis en lui s’il avait persévéré dans l’obéissance, de la même manière qu’ils sont tous devenus en lui sujets au péché, à la misère et à la mort. En cela – c’est-à-dire dans l’influence de son obéissance ou de sa désobéissance sur ceux qui devaient sortir de lui –, l’apôtre nous apprend qu’il était « la figure de celui qui devait venir » (Ro 5.14).

C’est ce qui explique pourquoi Paul (1 Co 15.47) voit en quelque sorte l’humanité tout entière dans l’existence de ces deux hommes : le premier, qui est de la terre ; le second, qui est Christ, le Seigneur du ciel. En parlant de la justification et de la résurrection (Ro 5 ; 1 Co 15), il raisonne comme si jamais la terre n’eût porté ou ne dût porter d’autres individus que les deux Adam. Et pourquoi cela ? Sans doute parce que les destinées de l’humanité se résolvent dans celles de l’un et de l’autre, quoique d’une manière bien différente quant à l’issue de toutes choses (Ro 5.12-19). Adam est la souche de tous ceux qui sont nés de la chair, et Christ de tous ceux qui naissent de l’Esprit. Aussi, il est dit du premier qu’il est de la terre, et du second qu’il est du ciel (1 Co 15.47,48). Tous les deux sont des personnes publiques, et la responsabilité des actes qu’ils commettent s’étend à un grand nombre d’individus.

Le bénéfices en Christ

Nous ne ferons pas ici le parallèle entre le premier et le dernier Adam, parce qu’il est assez connu des lecteurs, mais ce que nous tenons à bien faire remarquer, c’est que, d’après les passages que nous avons cités plus haut, si Adam est une figure de Christ dans son caractère en général ou comme représentant d’une famille – ses actes, son péché, sa condamnation, sa misère ayant été imputés à sa postérité –, il s’ensuit, par une conséquence rigoureuse, que les actes de Christ, son humiliation, son obéissance, sa mort, sa résurrection et sa gloire sont ou seront imputés à tous ceux qui auront Christ pour représentant.

C’est ce que Paul établit avec beaucoup de détails et de force d’expression dans Romains 5 et 1 Corinthiens 15 ; chapitres auxquels nous avons déjà renvoyé nos lecteurs. Ainsi, en plus du fait que le Seigneur Jésus ait été établi par le Père comme garant et répondant de son peuple, il existe entre lui et ce dernier une telle union d’intérêts que tout ce que Christ a fait, souffert ou reçu est regardé de Dieu comme l’œuvre, la souffrance ou la propriété de ce peuple béni. Et c’est à cause de cela que l’Église est présentée comme le corps de Christ, dont « nous sommes [les] membres » (Ép 5.30). Il n’existe pas de relation plus intime entre deux êtres que celle qui unit le Sauveur à son peuple ; comme Christ est appelé le chef ou la tête de l’Église, celle-ci est appelée « [le] corps, la plénitude » de Christ (Ép 1.23).

Mort avec Christ

Lors donc que Christ est mort, Dieu a considéré les croyants comme morts avec lui (Ro 6.10,11). Le sens du commencement de ce chapitre est fort clair si l’on se souvient de ce fait consolant. En eux-mêmes, les croyants ne sont pas morts à cause du péché, ni au péché, mais ils moururent jadis en leur chef, avec lequel leur vieil homme a été mis à mort en la croix. En Jésus, ils ont donné leur vie ou leur sang afin de faire l’expiation de leurs iniquités. La puissance du péché étant la loi (parce qu’elle l’excite lorsque nous sommes encore sous son joug [Ro 7.5,11]), et la loi ayant été satisfaite, Christ est en règle vis-à-vis d’elle, il est quitte du péché, et nous devons nous en estimer quittes ou justifiés en lui.

Nous avons communion dans sa résurrection

L’apôtre va encore plus loin dans son raisonnement sur ce point. Il déclare en effet que, non seulement Christ est mort à cause du péché, mais qu’il est aussi « revenu à la vie […] pour Dieu », et qu’étant « ressuscité des morts [il] ne meurt plus ; la mort n’a plus de pouvoir sur lui » (Ro 6.10,9). Ainsi, ne vous estimez pas seulement morts en lui, mais vivants comme lui et en lui. Car, de même que vous avec reçu sa mort comme la vôtre, vous avez aussi communion dans sa résurrection.

Telle est la doctrine de Paul dans le chapitre 6 de l’épître aux Romains, et toute âme chrétienne comprendra combien elle est sanctifiante puisqu’elle revient à ceci : les croyants ont reçu une vie nouvelle par la foi en le Sauveur ressuscité (comme il le montre aussi au chapitre 2 de l’épître aux Colossiens) ; en conséquence, leur vie doit être celle de gens qui sont sortis du tombeau comme Christ et en Christ. Mais ce qui fait l’essence ou la base des raisonnements de l’apôtre, c’est que Christ est le représentant de son peuple – comme Adam du sien, tel que démontré dans le chapitre précédent – et que tous les croyants sont considérés comme assimilés à lui à tel point que sa mort est leur mort, et sa résurrection leur résurrection.

Les prémices du champ

Nous trouvons encore ailleurs, et spécialement dans 1 Corinthiens 15, des preuves de ce caractère représentatif, de cette charge de personne publique dont le Christ a été revêtu. C’est de la résurrection de « Christ comme prémices » que l’apôtre conclut que « revivront en Christ […] ceux qui appartiennent à Christ, lors de son avènement » (v. 22,23). Il fait ici allusion à Lévitique 23.10, entre autres, ou à la fête des Prémices. Afin que tous les produits d’un champ soient consacrés au Seigneur, on en présentait, quelque temps avant la récolte, une gerbe qui était tournoyée devant l’Éternel et qu’on appelait les « prémices » du champ.

La présentation de cette gerbe sanctifiait l’ensemble de la culture (Ro 11.16). Cette cérémonie était une préfiguration de la résurrection et de l’ascension de Christ, dans sa qualité de dernier Adam. Alors que nous étions morts dans nos fautes, ainsi que dans le Christ, celui-ci est ressuscité comme prémices de son Église tout entière, qui peut ainsi se voir vivante avec lui et en lui. Les saints qui sont entrés en paix dans leur sépulcre et qui se reposent de leurs travaux ont en lui un garant de leur retour à la vie quand il reviendra chercher son Église. « Il est les prémices de ceux qui sont morts », de la même manière qu’Adam a été les prémices de la mort pour le monde (1 Co 15.20 ; voir aussi v. 21).


Cet article est tiré du livre : « Le triomphe de la foi justifiante » de Thomas Goodwin